« La crise ? Vous savez, là où je suis, c’est toujours un peu la crise et depuis longtemps ! » C’est sûr ! Médecin généraliste dans la cité des Franmoisins, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), la précarité, les problèmes sociaux, et les difficultés d’accès aux soins, Didier Ménard connaît ! Pour autant, la crise n’est pas sans effet, évidemment. « Ce qui est sûr, c’est que les plus précaires savent mieux s’organiser face à la précarité ! Il y a une sorte de « savoir faire » de la précarité ! Mais ce qui est certain aussi, c’est que pour eux, la perte d’un emploi temporaire (CDD, travail à temps partiel) signifie une sanction immédiate, car ils n’ont aucune réserve financière… Et en ce qui concerne l’accès aux soins, on constate un allongement des délais d’obtention de la CMU (entre trois et quatre mois), car les dispositifs sont débordés par l’arrivée massive dans la précarité de nouvelles couches de population. » Comme ses confrères, Didier Ménard constate l’aggravation de la pathologie liée au travail. « Nous ne découvrons rien, nous avons toujours beaucoup interrogé les patients sur leurs conditions de travail. Et nous constatons une augmentation des accidents de travail, une augmentation de l’épuisement au travail. L’impact de la transformation du travail sur la santé, oui, nous le mesurons. La question est de savoir, face à cette situation, quels sont nos outils thérapeutiques. Si on ne veut pas en passer par une surconsommation de psychotropes, quelle place fait-on à l’arrêt de travail ? Je pense qu’on attend des généralistes qu’ils gèrent les effets de la crise sur la santé, et je suis d’accord pour le faire, c’est notre rôle. Encore faudrait-il qu’on nous en laisse les moyens, et qu’on prenne en compte nos propositions."
Et le généraliste de la cité des Franmoisins d’y aller de sa proposition: "On ne va pas attendre que des experts nous disent comment il faut faire pour prendre en charge les effets de la crise sur la santé, nous avons des réponses. Cassons, par exemple, cet arrêté qui a supprimé la possibilité d’obtenir la CMU en urgence. Moi, je considère que l’arrêt de travail est un outil thérapeutique, et j’aimerais pouvoir discuter de son utilisation avec l’assurance-maladie, plutôt que d’entendre ceette dernière dire simplement que les arrêts de travail augmentent, et qu’il y a donc abus ! Je ne suis pas dans le rejet de l’institution mais pour le partenariat. J’aimerais bien un « kit » de « comment s’y prendre en période de crise » pour soigner les gens, et je veux bien participer à l’élaboration du kit ! ».
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