François Bourdillon : « Les comportements des femmes changent et leur santé avec »

Publié le 18/05/2018
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Bourdillon

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Crédit photo : GARO/PHANIE

Le Généraliste : La santé des femmes est-elle un sujet pour Santé publique France ? Envisagez-vous des actions de prévention spécifiques ?

François Bourdillon : La mission de Santé publique France est d'améliorer la santé de tous. Nous suivons de près les indicateurs qui nous permettent d’identifier des profils à risque. Ces dernières années, le tabagisme et les consommations excessives d’alcool ont augmenté chez la femme. On observe avec beaucoup d'inquiétude la hausse de la mortalité par cancer du poumon chez la femme. Ce taux va bientôt dépasser celui du cancer du sein parce que les femmes fument quasi autant que les hommes. Pourtant, aujourd’hui, la prévalence du tabagisme baisse globalement. Du reste, les retours d’expérience des précédents “mois sans tabac” révèlent une nette différenciation hommes/femmes, dans le sens où ces campagnes sont moins efficaces chez les jeunes filles. Nous prévoyons une campagne ciblant les jeunes femmes pour la prochaine édition 2018 pour tenter d’avoir d’aussi bons résultats que chez les jeunes hommes. Les comportements des femmes changent, et leur santé avec.

Un récent BEH révèle une moins bonne prise en charge de l’HTA chez les femmes. Quelles conclusions en tirez-vous ?

F. B. : Cela fait plusieurs années que nous notons une montée de la prévalence des maladies cardiovasculaires chez la femme en lien avec des facteurs de risque identifiés : sédentarité, activité physique réduite, tabac, etc. Le volet HTA de l’enquête nationale Esteban a récemment mis en exergue la dégradation de la prise en charge chez la femme de ce facteur de risque. De manière générale, tous les indicateurs montrent une augmentation nette des maladies CV chez les femmes, notamment des AVC. Il y a bien longtemps qu’il n’y a pas eu de campagne visant à améliorer la prise en charge de l’HTA, faute de données notamment. Aujourd’hui, nous en avons. Santé publique France est très investie dans la prévention primaire. La Cnam a plutôt investi le champ de la prévention secondaire.

L’espérance de vie s’accroît, notamment chez la femme, créant des problèmes de dépendance. Que faut-il faire ?

F. B. : Un de nos volets d’action, c’est le bien vieillir. Nous cherchons donc à limiter au maximum la perte d’autonomie en agissant en amont. Nous cherchons aussi à limiter le risque de démences, corollaires de l’avancée en âge. On sait à cet égard qu’il faut agir sur les facteurs de risque cardiovasculaires. Et on sait aussi que les sujets issus de milieux défavorisés sont plus exposés. Nous travaillons également sur les indices de fragilité. Une campagne de promotion de l’activité physique pour prévenir l’entrée dans la dépendance ou pour avoir un meilleur vieillir est prévue chez les femmes d’âge mûr, car ce sont elles qui ont l’espérance de vie la plus longue.

Qu’est ce qui selon vous menace le plus la santé des femmes aujourd’hui ?

F. B. : Les facteurs de risque cardiovasculaire constituent une préoccupation majeure, avec l’uniformatisation des comportements, le tabagisme, l’alcoolisme et l’insuffisante maîtrise de l’HTA.

Le mal-être des jeunes filles à l’école me soucie aussi. Une enquête internationale a été réalisée dans 41 pays tous les quatre ans depuis 1982 sous l’égide du bureau Europe de l’OMS sur la santé, le vécu scolaire et les comportements préjudiciables ou favorables à la santé des élèves âgés de 11, 13 et 15 ans. Plus de 10 000 d’entre eux ont été interrogés en France. On relève ainsi que les collégiennes françaises souffrent deux fois plus de mal-être que les garçons. Une tristesse est rapportée par 41 % des filles contre 19 % des garçons. Le découragement est vécu par 45 % des collégiennes contre 27 % des collégiens. Elles sont 21 % à déclarer une envie de mourir, contre 10 % des garçons. Ces chiffres m’inquiètent. C’est un vrai sujet de préoccupation qui est peu pris en compte, alors qu’il s’agit d’un fait de société important.

Ne perdons pas de vue la prévention des pathologies spécifiques. Nous ne sommes pas bons sur le dépistage du cancer du col. Le programme national qui vient d’être lancé devrait aider à corriger les choses. Nous pouvons aussi nous améliorer sur le dépistage du cancer du côlon, auquel seules 30 % des femmes participent.

 

Propos recueillis par le Dr Linda Sitruk

Source : lequotidiendumedecin.fr