Au 1er janvier prochain, devez-vous encore faire confiance à une AGA ? Trois réformes entreront en effet vigueur qui modifient le rôle des associations de gestion agréées au regard du fisc et les placent en théorie en concurrence avec les experts-comptables. Avec le recul, il n’est pas dit pourtant qu’il faille pour le médecin adhérent bousculer ses habitudes. Explication.
Devez-vous continuer à adhérer à une Association de gestion agréée ? L’an passé, Le Généraliste avait déjà soulevé la question au vu des dispositions de la loi de Finances 2009. L’interrogation était nouvelle, car jusque-là, la réponse ne faisait guère de doute au plan fiscal : c’était oui, car ce fut pendant longtemps un moyen pour un libéral d’obtenir une exonération de 25% de sa base imposable, et même si depuis trois ans l’avantage fiscal avait été supprimé, l’affiliation à une AGA était en fait devenue la seule solution pour éviter une surévaluation de 25% de son bénéfice. Le changement de décor se confirme et il va intervenir rapidement, puisque dès le 1er janvier 2010, les relations entre les professions libérales et les AGA (associations de gestions agréées) seront modifiées avec l'entrée en vigueur de dispositions prévues dans la loi de finances 2009. Au programme : la possibilité pour les experts-comptables de pouvoir délivrer eux aussi le visa fiscal, mais aussi l'envoi pour la première fois par les AGA de comptes-rendus de mission à l'administration fiscale et la réduction pour les adhérents des AGA du délai de prescription de trois à deux ans. Quel sera l'impact de ces changements et faut-il pour autant remettre en cause son adhésion à une AGA ?
Les trois réformes du 1er janvier
Les articles 10 et 129 de la loi de finances pour 2009 contiennent en fait trois modifications du cadre juridique des AGA et des experts comptables. D’abord, les professions libérales pourront à partir du 1er janvier 2010 solliciter le « visa fiscal » auprès d'une AGA ou auprès d'un expert-comptable, ce qui est nouveau pour ces derniers. Les AGA étaient en effet jusqu'à présent les seules autorisées à délivrer le visa fiscal qui permet aux professions libérales d'être exonérées de la majoration de 25 % sur leur bénéfice. Un décret doit prochainement paraître sur les conditions et les modalités de la délivrance du visa fiscal par les experts comptables qui devront pour cela signer une convention avec l'administration fiscale.
Plus nouveau : un arrêté ministériel qui doit paraître prochainement devrait imposer aux AGA de fournir chaque année, à partir du 1er janvier 2010 à l'administration fiscale, un compte-rendu de mission (CRM) sur l'examen de cohérence et de vraisemblance des déclarations professionnelles des adhérents. Les modèles de compte rendu de mission et les modalités de leur transmission aux services fiscaux seront définis dans cet arrêté.
En contrepartie de cet envoi à l'administration fiscale, le délai de reprise de l'administration fiscale est ramené de trois à deux ans. Cependant, en cas de manquements délibérés (la « mauvaise foi ») l'administration fiscale pourra toujours réaliser un contrôle au-delà de ces deux ans.
Le dilemme AGA/ expert comptable
Modification attendue depuis plusieurs mois, la possibilité donnée aux experts-comptables de délivrer eux aussi le visa fiscal n’inquiète pas forcément tous les responsables d’associations agréées. « Cette évolution juridique est motivée par le souhait du législateur d’élargir le champ de la non majoration de 25% et de ne pas laisser un monopole aux AGA », explique Bechir Chebbah. Au plan des principes, le président de l’Unasa (Union nationale des associations agréées) estime qu’ « elle a le mérite de clore, du moins provisoirement, le débat récurrent depuis quatre ans sur la majoration de 25% des revenus pour les non adhérents à une AGA ». Au-delà, les uns et les autres ont travaillé à un code de bonne conduite qui devrait éviter une concurrence sauvage entre AGA et experts comptables. Il n’est donc pas si évident que cette réforme imminente bouleversera le comportement des professions libérales.
Que se passera-t-il pour les médecins qui confient déjà leur comptabilité à un expert-comptable ? A priori pas grand chose. Bien sûr, le premier réflexe pourrait être de ne plus adhérer à une AGA, puisque l'expert-comptable pourra désormais le faire bénéficier (s'il remplit les conditions) du visa fiscal (absence de majoration de 25%). Cependant la profession d'expert-comptable ne se positionne pas pour le moment dans cette logique. Le conseil supérieur de l'Ordre des experts comptables a en effet signé le 15 juillet 2009 un accord de partenariat avec la majorité des fédérations d'AGA. En conséquence, la majorité des experts-comptables devraient s'abstenir de délivrer le visa fiscal aux professions libérales qui devront continuer à adhérer à une AGA pour en bénéficier.
Pour les médecins sans experts-comptable et adhérents d'une AGA signataire du protocole national du 15 juillet 2009, celles-ci continueront tout naturellement à leur délivrer le visa fiscal Mais elles devraient à partir de 2010 inviter, leurs adhérents à faire appel à un expert-comptable pour leur comptabilité.
Enfin, pour les médecins sans experts-comptable et adhérents d'une AGA non-signataire, ces associations, adhérentes par exemple de la Fnaga (Fédération Nationale des associations de gestion agréées) et l'Anaafa, continueront à délivrer le visa fiscal et à assurer la comptabilité des adhérents qui le souhaitent. Toutes prestations complémentaires qui sont évidemment facturées en supplément de l'adhésion.
Les impôts ne sauront pas tout
Deuxième réforme, l’obligation faite aux AGA d’adresser au fisc un compte-rendu de mission va t-elle affecter les relations confiantes qu’elles entretiennent avec leurs adhérents ? Tout dépendra bien entendu du contenu de leur communication aux impôts. « Il est difficile de dire dès aujourd'hui ce que seront les comptes-rendus de mission du fait que le texte précisant leur forme n'est pas encore paru. Cependant, il est déjà possible de dire que ce ne sera pas la communication de la correspondance entre l'adhérent et l'AGA, » souhaite d’emblée clarifier Béchir Chebbah. « On peut déjà dire qu'il y aura trois catégories : ceux pour lesquels il n'y a pas d'anomalies et le compte-rendu de mission l'indiquera, ceux pour lesquels il y avait des erreurs de bonne foi que l'adhérent a corrigées, et ceux pour lesquels il y a un réel désaccord entre l'adhérent et l'AGA. Dans ce dernier cas, nous allons être amenés à faire part du désaccord existant à l'administration fiscale, ce qui n'empêche pas le contribuable de défendre son point de vue devant celle-ci. Mais nous estimons qu'il y a moins de 10% des cas où il y aura des désaccords de ce type ».
Même analyse à l'ARAPL (association régionale des associations de professions libérales) Ile de France, « seulement 5 à 10 % de nos adhérents seraient concernés aujourd'hui par un compte-rendu de mission présentant l'existence de désaccords, précise Michèle Rahier, présidente de l'ARAPL Ile de France. Notre rôle est de toute façon de faire appliquer la loi et il nous arrive d'exclure des adhérents qui font preuve de mauvaise foi dans leurs déclarations professionnelles ». « C'est pour récompenser cet effort de transparence, qu'intervient la réduction du délai de prescription de trois à deux ans, explique Bechir Chebbah, les erreurs sont possibles, mais l'AGA est là pour les faire corriger et indiquer qu'il n'y a pas de manœuvres délibérées pour frauder ». Autre intérêt relevé par Thierry Langlet, « le compte-rendu de mission va rendre visible la mission des AGA qui était jusqu'à présent assez impalpable » et pour cet avocat fiscaliste qui est président de la Fnaga ce sont « moins de 1 % des adhérents qui seront concernés par un compte rendu de mission présentant des désaccords ».
Moins de risque de contrôle fiscal ?
Pour Béchir Chebbah, le raccourcissement du délai de reprise « est une façon de récompenser la transparence : à partir du moment où le contribuable est honnête, il n'a rien à craindre d'un contrôle fiscal. Le but est justement de valider l'honnêteté et la transparence. Jusqu'au 31 décembre 2009, l'administration peut encore contrôler le contribuable sur la déclaration de ses revenus 2006, 2007 et 2008. Quand ce nouveau régime entrera pleinement en vigueur, l'administration pourra par exemple contrôler en 2012 uniquement les déclarations sur les revenus 2010 et 2011 ».
Pour la majorité des médecins, il n’est donc pas certain que la situation change beaucoup au 1er janvier 2010 et ce en dépit de la triple réforme qui affecte leurs AGA. Ceux qui ont déjà un expert-comptable pour leur comptabilité devraient continuer à adhérer à leur AGA (car leur expert-comptable ne leur délivrera probablement pas de visa fiscal). Ceux qui n'ont pas d'expert-comptable se verront conseillés par leur AGA (si elle est signataire du protocole) d'y avoir recours, si nécessaire. Et ceux qui font appel à leur AGA pour leur comptabilité vont vraisemblablement continuer à avoir le même interlocuteur pour leur tenue de compte et le visa fiscal.