Être victime d’une agression, ça n’arrive pas qu’aux autres… Au plus près de leurs patients, souvent en première ligne, les généralistes sont particulièrement vulnérables. Comment faire pour éviter les situations à risque ? Quelle attitude adopter lorsque le ton monte ? Et comment se défendre en cas de passage à l’acte ? Nous avons donné la parole à des experts de l’autodéfense.
Cette année encore, en dépit d’une légère décrue – 822 agressions ont été enregistrées en 2011 contre 920 en 2010 – les généralistes occupaient la première place du triste palmarès des médecins les plus agressés. Comment être moins exposé ? Quelles attitudes adopter pour prévenir la violence ? Et quand on n’a pas le choix, quels gestes maîtriser ?
Au cabinet, garder la maîtrise de la situation
La cocotte-minute peut se mettre à siffler dès la salle d’attente. Un jeune homme commence à s’impatienter et à se plaindre du délai d’attente qui lui paraît trop long… Les experts de l’autodéfense le recommandent : dans ces cas, ne jamais minimiser, mais lui dire qu’on va s’occuper de lui au plus vite. Si le patient devient agressif il faut éviter de s’énerver : « On ne peut pas hausser le ton avec un patient sinon on va déclencher une agressivité plus grande chez lui », estime Charles Joussot, professeur de Penchak-Silat, un art martial indonésien . Cela peut paraître anodin, mais même quand on se fait insulter, « cela ne sert à rien d’envenimer la situation en tutoyant l’agresseur », conseille Benoît Grolet. Ce coach en autoprotection soutient que le menacer de poursuites aggraverait les choses : « Certes, ça peut paraître difficile, mais essayez à tout prix de rester calme, psychiquement et physiquement, afin d’apprécier au mieux la situation ». Rester zen même en situation de stress est également vivement recommandé par Charles Joussot qui a formé des hospitaliers, mais aussi des hommes du RAID, à l’autodéfense. « Quand vous avez en face de vous un patient dangereux il faut le mettre en confiance, maintenir le dialogue, lui faire comprendre qu’il est en train de faire une bêtise et le ramener au calme. Il faut lui montrer qu’on lui accorde de l’importance sans que ça tourne au clash. »
Adopter la bonne position corporelle
Une fois dans votre bureau, vous sentez que la température commence à monter. Votre interlocuteur est visiblement énervé et vous n’avez qu’une idée en tête : la fuite... Pourtant, dans cette circonstance, tout geste impromptu pourrait être mal interprété. « Restez assis derrière votre bureau le plus longtemps possible. Ne soyez pas le premier à vous lever. On pourrait interpréter votre geste comme une invitation à la bagarre », affirme Benoît Grolet. Si l’agresseur se lève, et si vous êtes obligé de faire de même, soyez attentif à bien vous positionner. « Mettez-vous légèrement de profil pour mieux éviter les coups, voire les parer. Se positionner de face est plus risqué. Vous devenez une cible plus facile à atteindre », souligne Benoît Grolet qui conseille également d’éviter de croiser les bras. Ce geste peut également être perçu comme une marque de rigidité ou d’insécurité. Et, ce faisant, on expose son ventre à d’éventuels coups de couteau. « L’idéal est de maintenir les bras à hauteur de la poitrine et de continuer à dialoguer. Ainsi on ne provoque pas l’agresseur, mais on reste en même temps prêt à parer les coups », recommande Benoît Grolet. Se positionner avec les bras à hauteur du visage pour se protéger, les mains ouvertes, pas avec les poings serrés pour ne pas paraître agressif, tout en continuant à dialoguer pour le ramener au calme et le mettre en confiance, autant de conseils donnés aussi par Charles Joussot qui invite les généralistes à « avoir les mains libres pour pouvoir intervenir tout de suite » et à avoir une attitude à la fois calme et décidée : « Si on a la trouille, l’agresseur le sent ».
Repousser l’agresseur en douceur
Vos paroles ne l’ont pas persuadé. L’agresseur se dirige maintenant droit vers vous. Que faire pour l’arrêter sans pour autant provoquer la bagarre ? Notre coach en autodéfense, Benoît Grolet, conseille de lui mettre la main droite (ou la main gauche pour les gauchers) sur la poitrine, le toucher mais avec doigté. Il ne s’agit pas de l’agresser à son tour mais tout simplement de lui signaler qu’il doit s’en tenir là. « Faites un peu comme si vous parliez à un ami, conseille Benoît Grolet. « Votre bras, légèrement fléchi, vous permettra de garder la distance et fonctionnera comme une sorte d’amortisseur, explique-t-il. Soyez ferme, mais sans méchanceté : ayez une main de fer dans un gant de velours. Faites-lui sentir que vous voulez apaiser la situation. Ensuite, reculez doucement pour ne pas opposer votre force à la sienne. » La main droite, déjà projetée en avant, pourra aussi servir à éviter un mouvement d’attaque en effectuant une sorte de « balayage vers la droite ou vers la gauche ». Si on s’en sent capable, on peut aussi surprendre l’agresseur par un petit coup à l’improviste qui va tout de suite « le refroidir ». Si on ne se sent pas sûr de soi, le mieux est de ne pas opposer de résistance et de se protéger avec une chaise, par exemple, et d’appeler au plus vite, une fois à l’abri, la police.
Savoir se dégager en cas de contact
Trop tard. Votre agresseur vous a déjà saisi le poignet. Vous pouvez vous dégager de cette prise en tournant la main et l’avant-bras dans le sens contraire. Voire, renverser la situation en tournant l’avant-bras vers l’intérieur pour ensuite faire pression avec l’autre avant-bras sur le coude de l’agresseur pour « le contrôler par une clé, toujours en lui parlant pour le rassurer et le ramener au calme?», ainsi que le préconise Charles Joussot. Une alternative préconisée par Benoît Grolet est de se faire tout petit, tout en gardant le contrôle de la situation et attendre le moment propice pour se dégager de la prise ou assener un coup à l’agresseur.
Viser les points sensibles
L’attaque a mal tourné et vous n’arrivez pas à vous dégager de la prise de votre agresseur... Il y a encore une solution de dernier recours. Même si la victime de l’agression n’a pas beaucoup de force, celle-ci, peut facilement viser les points sensibles comme la gorge, la carotide, le plexus, les testicules. En cas de tentative d’étranglement, par exemple, on peut mettre la main sur le visage de l’agresseur et lui enfoncer un doigt dans l’œil. La douleur soudaine le fera probablement lâcher prise. Un coup de genou aux testicules a également un effet immédiat.
En visite, savoir assurer ses arrières
Vous apercevez une bande en train de rôder autour de votre véhicule... Ne vous approchez pas, c’est peut-être un guet-apens. La meilleure solution est de rebrousser chemin et demander l’hospitalité à son patient pour appeler la police. En visite, pour éviter d’être pris au piège, le médecin prendra l’habitude de garer son véhicule le plus près possible du domicile du patient et en marche arrière pour être prêt à démarrer. « Si le quartier est particulièrement dangereux, n’hésitez pas à demander à la police ou à la gendarmerie de vous escorter », conseille Benoît Grolet. Si la voie est libre, le mieux, est d’ouvrir seulement la porte côté conducteur avec sa télécommande et de s’assurer que personne ne se cache sous le siège arrière; ensuite claquer la portière et fermer le verrouillage central. Après avoir bouclé sa ceinture, il faut démarrer au plus vite et, au besoin, s’arrêter dans un endroit plus sûr pour consulter son agenda ou son GPS. Si on est suivi, l’itinéraire doit être modifié pour rejoindre le commissariat. Autre conseil pratique : si quelqu’un demande un renseignement, lui faire signe de se diriger du côté passager et baisser de seulement quelques centimètres la vitre.