LE QUOTIDIEN : Comment êtes-vous entré en contact avec l’anthroposophie ?
GREGOIRE PERRA : J’ai été mis dans une école Steiner à l’âge de neuf ans, et endoctriné : j’ai été professeur dans des établissements Steiner, puis j’ai eu des doutes. J’ai fait un chemin de remise en question de la doctrine, notamment iopour la médecine, car je voyais beaucoup de souffrance parmi les gens qui se soignaient avec la médecine anthroposophique autour de moi. Peu à peu, j’ai publié des articles, dont un qui a fait l’objet d’une plainte en diffamation de l’association des médecins anthroposophes et pour laquelle j’ai été relaxé.
Qu’est-ce au juste que l’anthroposophie ?
C’est d’abord une doctrine délirante, selon laquelle le Bouddha se serait réincarné sur Mars qui serait une planète liquide, le cosmos s’arrêterait à Saturne… Concernant la santé, elle se propose de soigner la syphilis avec du mercure, le cancer avec des injections de gui fermenté… La médecine anthroposophique, c’est aussi une confiance aveugle du médecin dans sa propre intuition, et une certaine porosité à toutes les autres médecines charlatanesques.
Comment avez-vous vécu votre relation avec cette médecine ?
Je me soignais avec la médecine anthroposophique, c’est-à-dire que je ne me soignais pas. Mon médecin anthroposophe faisait des prélèvements sanguins dans son cabinet au moyen d’une machine à purifier le sang par les énergies cosmiques. J’étais tout le temps malade, j’allais le voir toutes les semaines, c’étaient des consultations à 70 euros qui se terminaient toujours par la même ordonnance. Le fait même d’être allé le voir était censé m’apporter la guérison.
Comment interprétez-vous les relations de la médecine conventionnelle avec la médecine anthroposophique ?
Les médecins ne dénoncent pas la médecine anthroposophique car ils ne la connaissent pas. Il faut dire que pour la connaître, il faut lire du Steiner. Or les écrits de Rudolf Steiner, notamment ses écrits médicaux, sont impossibles à comprendre si on n’a pas une bonne connaissance de l’ensemble de la doctrine. C’est extrêmement rébarbatif, mais essentiel pour comprendre son système et sa dangerosité.
S’agit-il d’un mouvement en expansion ?
C’est difficile à dire, car l’adhésion à l’anthroposophie est très élastique. C’est une stratégie de dissimulation voulue par Steiner lui-même : il voulait un mouvement dont seul le noyau serait constitué de véritables anthroposophes connaissant réellement la doctrine. C’est pourquoi on rencontre des gens capables de défendre l’anthroposophie bec et ongles, alors qu’ils ne savent pas ce qu’il y a derrière. Le mouvement reste très puissant, notamment en Allemagne. En France, ils connaissent heureusement quelques déboires, et de plus en plus de victimes contactent la Miviludes.
Quel message souhaitez-vous faire passer aux médecins à ce sujet ?
J’aimerais qu’ils s’y intéressent, qu’ils lisent Steiner, qu’ils fassent des articles dessus. Beaucoup de monde commence à dénoncer la pédagogie Steiner, la biodynamie [qui est également une émanation de la doctrine Steiner, ndlr], mais pour l’instant, peu de choses ont été faites contre la médecine anthroposophique. Il faut donc que des médecins lisent les livres, en fassent des comptes rendus, pour que la doctrine soit enfin exposée.
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