En Allemagne, comme dans les autres pays développés, on estime que l’ensemble des services de santé produit chaque année autour de 5 % des gaz à effet de serre. Pour le président du Congrès des médecins allemands, le généraliste Klaus Reinhardt, les médecins doivent maintenant traduire leurs intentions pour l'environnement dans les faits, en favorisant l’aménagement de cabinets médicaux climatiquement neutres.
Véritable « Parlement de la santé », le Congrès réunit 250 délégués élus par leurs Ordres régionaux, qui décident des grandes orientations de la politique professionnelle, sociale et éthique du corps médical.
Concrètement, cela passe, entre autres, par la réduction des déchets médicaux et notamment des dispositifs à usage unique, le remplacement de certains gaz anesthésiants toxiques pour l’environnement par d’autres moins agressifs, mais aussi par un aménagement moins énergivore des locaux et des gestes simples comme éteindre les lumières ou le chauffage en partant. Les médecins plaident pour des hôpitaux et des cliniques répondant aux mêmes critères et soulignent que tous les établissements de soins devraient disposer, face aux canicules, de pièces climatisées… de manière écologique. Par ailleurs, l’Ordre entend soigner sa propre neutralité carbone en organisant moins de congrès régionaux et en verdissant les menus des cantines de son personnel.
Jusqu'où mobiliser les patients ?
Les débats ont porté aussi sur la responsabilité des médecins face au public : s’ils s’accordent pour adopter des comportements exemplaires, doivent-ils pour autant, comme le réclament certains, inciter la population à faire de même et à se mobiliser encore plus ? Les avis sont partagés, certains délégués estimant que leur rôle ne va pas jusque-là, d’autres considérant que les enjeux climatiques n’ont pas à interférer dans les décisions médicales prises dans l’intérêt des patients. En revanche, tous les médecins jugent nécessaire d’informer leurs patients des risques que fait courir le réchauffement à leur santé et de les aider à s’en prémunir.
Invitées au Congrès, plusieurs associations de médecins pensent qu’il appartient au corps médical de « soigner la planète », y compris pour prévenir les conséquences sanitaires dramatiques d’un réchauffement excessif. En outre, comme l’expliquait la Dr Sabine Gabrysch, épidémiologiste berlinoise, en prenant l’exemple du diabète, la maladie humaine est le reflet de la maladie de la planète et inversement, dans la mesure où la « malbouffe » se fabrique à partir de procédés néfastes à l’environnement, pour rendre ensuite ses consommateurs malades. À l’issue des débats, les délégués ont voté plusieurs résolutions, les textes adoptés étant ensuite soit appliqués par les organisations médicales s’ils sont de leur ressort, soit transmis aux responsables politiques.
Mobilisation outre-Manche
Les médecins allemands ne sont pas les seuls à souhaiter mettre le climat au cœur de leur pratique, tant dans l’intérêt de la santé que dans celui, plus global, de la vie terrestre. À la veille de la COP 26 de Glasgow, l’Association des médecins britanniques (BMA) a rappelé que le changement climatique aura des conséquences dévastatrices sur les structures de santé ainsi que sur la santé elle-même, tant physique que mentale, et que ses effets se font déjà ressentir chez certains patients. Au-delà des rapports et des cris d’alarme, la BMA a décidé, elle aussi, de travailler à l’avenir de manière plus « écologique ».
Certains médecins britanniques affichent des comportements plus radicaux, qu’ils justifient par l’urgence de mesures concrètes. C’est ainsi que le mouvement « Extinction Rebellion » compte une section de 60 médecins, dont l’un est actuellement au cœur d’une vive polémique. Généraliste à Bristol, le Dr Patrick Hart a été arrêté pour avoir participé à la dégradation de la façade d’une banque, dont les activités financières nuisent selon lui au climat. Placé en garde à vue pendant 18 heures, il redoute que son arrestation ait des conséquences sur son avenir professionnel, car il est salarié du Service national de santé (NHS). Il estime « ne pas avoir d’autre choix que de lutter pour le climat », et légitime sa mobilisation par un article du code de déontologie qui stipule qu’un médecin doit « tout faire pour protéger la santé des patients ». La question, pour de nombreux médecins interrogés par la presse sur cette affaire, est toutefois de savoir jusqu’où peut et doit aller ce « tout faire ».
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