Au 7 janvier, 72 des 110 pensionnaires de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Korian Berthelot à Lyon avaient contracté la grippe et 13 d’entre elles en sont décédées.
L'épidémie de grippe saisonnière est cette année particulièrement précoce et dangereuse pour les personnes âgées, comme le confirme au « Quotidien » le Pr Sylvie van der Werf, qui dirige le Centre national de référence des influenzae à l'Institut Pasteur : « Le virus H3N2, qui constitue la quasi-totalité des virus grippaux circulants cette année, touche particulièrement les personnes âgées. C’était d'ailleurs déjà le cas il y a 2 ans. Par ailleurs, cela fait plus de 10 ans que l’on n'avait pas eu d’épidémie aussi précoce. » Les premières régions touchées, l'Île-de-France et la Bretagne, sont entrées en phase épidémique dès la première semaine de décembre, ce qui « n’a pas rien d’anormal même si l'on a oublié que la grippe pouvait arriver aussi tôt », poursuit Sylvie van der Werf.
Six des 13 personnes décédées étaient vaccinées
Selon le Dr Émilie Arabian, médecin coordonnateur du groupe Korean qui gère l'établissement, 6 des 13 pensionnaires décédés ont été vaccinés fin novembre. Une campagne de vaccination avait été lancée en octobre, mais a dû être interrompue, surprise par le début de l'épidémie, le 21 décembre. Le taux de vaccination au sein de l'établissement était alors de 38 %.
« Il n'est pas recommandé de vacciner une personne déjà atteinte par une pathologie infectieuse, précise Sylvie van der Werf, car il est trop tard pour que le vaccin soit efficace. Vacciner une personne déjà malade va détourner l’utilisation du système immunitaire dont les patients vont avoir besoin pour lutter contre cette pathologie. »
Le fait que des patients soient atteints malgré leur vaccination ne surprend pas Sylvie Van Der Werf, qui rappelle que « l’efficacité vaccinale diminue avec l’âge du fait de l’immunosénescence. Les données laissent aussi penser que les pathologies sous jacentes, comme les pathologies respiratoires et cardiovasculaires, accentuent cette diminution ». La moyenne d’âge des personnes décédées est de 91,5 ans. Six patients sont encore hospitalisés. Les personnes de l'établissement sont « très dépendantes et très polypathologiques », souligne la direction.
L'épidémie survenue dans l'EHPAD Korian Berthelot n'est pas le signal d'une moindre efficacité vaccinale. « Il est encore un peu tôt pour avoir des données définitives, juge Sylvie van der Werf. Nous n'avons même pas encore atteint le pic de l'épidémie mais d’après les analyses de virus qui sont parvenus au CNR, il n'y a pas de différence entre la souche circulante et celle du vaccin. »
Le ministère enquête
Une mission d'inspection a été lancée par l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes à la demande de Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, afin de contrôler la mise en œuvre par l’établissement, depuis le début de l’épidémie, des recommandations. La Direction générale de la santé (DGS) s'est en outre rendue sur place le vendredi 6 janvier. « Les mesures de prévention étaient bien mises en place », a conclu un communiqué.
Marisol Touraine a aussi diligenté, le 7 janvier, une mission d'inspection à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) afin d'identifier et d'analyser les causes de cet évènement exceptionnel. Un premier rapport d’étape est attendu dans dix jours.
À ce jour, 43 personnes considérées comme malades demeurent en isolement. Cette mesure « sera levée 7 jours après la fin des symptômes des personnes grippées », affirme l'établissement qui rappelle qu'il existe des difficultés à faire appliquer l'isolement de certains patients, notamment ceux des patients atteints par la maladie d'Alzheimer.
Pour MG France, il est encore temps de vacciner
Le syndicat MG France-Rhône-Alpes a souhaité rappeler l'importance de la vaccination « même si son efficacité n'est pas absolue » car elle « prévient un nombre important de grippes très sévères chez les personnes à risque, en particulier les personnes âgées, insuffisantes cardiaques ou respiratoires ».
Le syndicat « a proposé que les médecins généralistes puissent disposer dans leurs cabinets de vaccins en stock de façon à pouvoir vacciner directement les patients lors de consultations pour d'autres motifs ». MG France estime que « les personnes à risque peuvent encore se faire vacciner dans les tout prochains jours ». Dans un précédent entretien accordé au « Quotidien », Bruno Lina soulignait pour sa part, qu'une « vaccination au cours de l'épidémie est une perte de chance ».
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