Quelle est l’incidence réelle du Covid-19 en Afrique ? Comme nous l’indiquions récemment dans nos colonnes, si les prévisions anticipaient une catastrophe sur le continent, en raison notamment de la faiblesse des systèmes de soins, la réalité est plus nuancée : fin octobre, l’OMS recensait 1,3 million d’infections sur le continent depuis le début de l’année, et 29 000 décès (dont 55 % des cas et 65 % des morts en Afrique du Sud). Ces données restent pourtant partielles, car dépendantes des capacités de tests des pays africains.
Une première étude de séroprévalence, publiée dans « Science », apporte un éclairage sur la réalité de la circulation du virus et des contaminations au Kenya, où le premier cas de Covid-19 a été détecté le 12 mars. Les chercheurs se sont penchés sur les échantillons de donneurs de sang, âgés de 15 à 66 ans. Plus de 3 000 échantillons ont été collectés entre le 30 avril et le 16 juin auprès de quatre centres régionaux de transfusion sanguine du Service national de transfusion sanguine du Kenya (KNBTS).
De 1,9 % à 10 % selon les régions
Sur les 3 098 échantillons étudiés, 174 étaient positifs pour les IgG anti-SARS-CoV-2, soit une séroprévalence brute de 5,6 %. « La séroprévalence brute variait selon l'âge, allant de 3,4 à 7,0 % chez les adultes de 15 à 54 ans », alors que les 71 donneurs âgés de 55 à 64 ans étaient tous séronégatifs, notent les auteurs. Par ailleurs, si aucune différence n’a été observée selon le sexe, des disparités géographiques sont constatées : de 1,9 % dans la région de la vallée du Rift à 10 % dans la région de l'Ouest.
Après pondération en fonction de la population et ajustement en fonction des performances des tests, la séroprévalence s’élevait à 4,3 %. Après ajustement, les auteurs relèvent une séroprévalence plus élevée (de 4,2 à 5,2 %) dans les groupes d'âge plus jeunes (15 à 44 ans), mais aussi dans les grands centres urbains du pays : Mombasa (8 %), Nairobi (7,3 %) et Kisumu (5,5 %).
Seulement 341 décès liés au Covid recensés dans le pays
Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer ces données et le décalage avec les remontées de la surveillance nationale qui recensait, au 31 juillet, 20 636 cas et 341 décès. « Les cas pourraient être sous-évalués par la surveillance nationale de la santé publique, bien qu'il semble peu probable que la notification des décès et des cas graves puisse être réduite de plusieurs ordres de grandeur », indiquent les auteurs, soulignant que les hôpitaux du Kenya « n'ont pas été débordés par les admissions pour maladies respiratoires ».
Le faible impact de l’épidémie sur les services hospitaliers pourrait s’expliquer par la pyramide des âges du pays. Sur les 53 millions d’habitants du Kenya en 2020, 3,9 % seulement sont âgés de 65 ans ou plus (contre, par exemple, 23,3 % en Italie). Une autre piste relève de la stratégie de riposte à la pandémie sur le continent, qui a été à la fois plus rapide après l’identification des premiers cas, et d’emblée plus « agressive », notent les auteurs, pour pallier les faiblesses des systèmes de soins.
Mais, poursuivent les auteurs, ces stratégies s’accompagnent de coûts « énormes » en Afrique. « Des estimations modélisées des perturbations des services médicaux essentiels, tels que la vaccination et les soins prénatals, suggèrent environ 253 500 décès d'enfants et 12 200 décès maternels supplémentaires sur six mois dans les pays à revenu faible et intermédiaire », concluent-ils.
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