Le Sénat a rejeté ce 24 juin le projet de loi de bioéthique, qui ouvre l'assistance médicale à la procréation (AMP ou PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules, en esquivant une discussion in extenso du texte. En guise de troisième lecture, les sénateurs ont adopté, par 191 voix pour, 61 contre et 91 abstentions, une « question préalable », autrement dit une motion de rejet, présentée par la rapporteure Muriel Jourda (LR), ce qui évince le texte d'emblée. C'est l'Assemblée qui aura donc le dernier mot mardi 29 juin, pour mettre le point final à cette troisième révision des lois de bioéthique, commencée en 2018 par des États Généraux.
La motion soumise au nom de la commission spéciale du Sénat acte de profondes divergences entre députés et sénateurs sur les évolutions de la PMA − les sénateurs souhaitaient maintenir le critère d'infertilité et permettre un double système d'accès aux origines des enfants issus d'un don, en prévoyant notamment la possibilité pour les donneurs de revenir sur leur consentement à la transmission de leur identité à tout moment − mais aussi sur la question de la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. « En dépit d’apports ponctuels du Sénat intégrés au texte (modalités du don croisé d’organes ou de transmission d'une information génétique dans les situations de rupture de la filiation biologique, dépistage néonatal, maintien du DPI-HLA*), le dialogue entre nos deux assemblées n’a jamais eu lieu », lit-on dans la motion.
Muriel Jourda a critiqué des débats « parasités par le mélange des genres » entre des dispositions « qui relèvent de la bioéthique et d'autres dispositions qui sont sociétales », visant ainsi la PMA. Celle-ci a « clivé nos débats et le gouvernement a créé les conditions de l'échec », a convenu Bernard Jomier (PS), co-rapporteur.
Les partisans de la PMA ont tenté de défendre « une avancée sociale majeure », selon les mots de l'écologiste Daniel Salmon, tandis que la communiste Laurence Cohen a fustigé « les manœuvres politiciennes » d'une droite sénatoriale qui « s'est caricaturée ». « Le Sénat est passé à côté de l'Histoire », a enchéri la socialiste Marie-Pierre de la Gontrie, tout en égratignant le gouvernement accusé d'avoir trop « temporisé ».
Durcissement des positions
Au lieu de se rapprocher, les positions se sont radicalisées au cours d'un processus législatif ralenti en partie en raison du Covid. Lors de sa première lecture en février 2020, le Sénat avait voté le projet de loi avec sa mesure d'ouverture de l'AMP à toutes les femmes, excluant toutefois la prise en charge par la Sécurité sociale des indications non médicales. Un an plus tard, lors de sa deuxième lecture, la majorité sénatoriale avait adopté dans la confusion un texte amputé de cette mesure emblématique, ainsi que de l'ouverture de l'autoconservation ovocytaire. Déjà, le président du Sénat Gérard Larcher (LR) avait regretté « que le Sénat ait laissé passer la chance d'améliorer le texte ». Sans surprise, députés et sénateurs avaient échoué à trouver un accord en commission mixte paritaire en février 2021.
En troisième lecture le 10 juin, l'Assemblée a rétabli les principales mesures du texte : ouverture de l'AMP à toutes les femmes, ainsi que de l'autoconservation ovocytaire (sans raison médicale), réforme de la filiation, accès à des données identifiantes ou non pour les enfants issus du don, facilitation des recherches sur les cellules souches embryonnaires et sur les chimères homme/animal... C'est ce texte que l'Assemblée devrait adopter une toute dernière fois le 29 juin. Le ministre de la Santé Olivier Véran a promis que des couples de femmes pourront « s'inscrire dans des parcours PMA dès la rentrée ».
* Diagnostic pré-implantatoire associé au typage HLA qui permet le bébé du double espoir (donneur pour l'aîné malade)
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