Près de 550 000 morts par an à cause de la chaleur, 2,5 millions attribuables à la pollution atmosphérique, près de 12 millions en lien avec l’alimentation… L'inaction face au changement climatique se traduit en millions de décès évitables chaque année, alertent - une nouvelle fois - les 128 experts internationaux du Lancet Countdown on Health and Climate Change, chargés d’évaluer les liens entre le changement climatique et la santé sous l’égide de l'University College London (UCL) en collaboration avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Publié en amont de la 30e Conférence des Parties des Nations Unies (COP), qui se tiendra du 10 au 21 novembre 2025 à Belém au Brésil, leur rapport, le 9e depuis le lancement de l’initiative en 2015, est un nouvel appel à la mobilisation.
« L'élimination progressive et rapide des combustibles fossiles reste le levier le plus puissant pour ralentir le changement climatique et protéger des vies », martèle Marina Romanello, directrice exécutive du Lancet Countdown à l'UCL, pointant par ailleurs une série d’actions complémentaires : développement des énergies propres, adaptation des villes, adoption de régimes alimentaires plus sains et de systèmes agricoles plus durables…
« La crise climatique est une crise sanitaire, commente le Dr Jeremy Farrar, sous-directeur général pour la promotion de la santé, la prévention et les soins des maladies à l'OMS. L'inaction face au changement climatique tue. Mais l'action climatique représente aussi la plus grande opportunité pour la santé de notre époque. Un air plus pur, une alimentation plus saine et des systèmes de santé résilients peuvent sauver des millions de vies dès aujourd'hui et protéger les générations actuelles et futures. »
12 des 20 indicateurs de suivi des menaces sanitaires à des niveaux record
Pour l’heure, les retards dans l’adaptation coûtent cher et le bilan sanitaire atteint un « record » : 12 des 20 indicateurs de suivi des menaces sanitaires atteignent des niveaux inquiétants. C’est le cas d’un nouvel indicateur présenté dans cette 9e édition : la mortalité liée à la chaleur pour 100 000 habitants a augmenté de 23 % depuis les années 1990, le nombre total de décès atteignant en moyenne 546 000 par an entre 2012 et 2021. Sur cette période en France, environ 3 100 décès liés à la chaleur ont été enregistrés annuellement, soit plus du double de la moyenne de 1990-1999.
En 2024, année la plus chaude jamais enregistrée, les Français ont été exposés en moyenne à 12 jours de canicule, dont les trois quarts (9 jours) « n'auraient pas eu lieu sans le changement climatique », est-il relevé. Ces conditions plus chaudes et plus sèches favorisent les incendies de forêt, exposant la population aux fumées. La pollution aux particules fines (PM 2,5) issue des incendies est ainsi la cause d’environ 700 décès par an en moyenne entre 2020 et 2024, soit une augmentation de 55 % par rapport aux niveaux de 2003-2012, chiffrent les experts. À l’international, le nombre de décès associés aux fumées d'incendie atteint le nombre, record là encore, de 154 000 en 2024 (+ 36 % par rapport à la moyenne annuelle de la période 2003-2012).
Le littoral hexagonal de plus en plus exposé au risque de Vibrio
En France, la hausse des températures moyennes affecte le littoral. En 2024, les mers étaient 1,0 °C plus chaudes que la moyenne historique, « intensifiant les risques de prolifération d'algues nuisibles et de bactéries », est-il relevé. La France a ainsi connu en 2024 une augmentation de 384 % de la longueur du littoral exposé au risque de Vibrio. « Ces infections, souvent associées aux eaux plus chaudes et à la consommation de fruits de mer, soulignent le lien croissant entre le réchauffement des océans et les conséquences sanitaires », soulignent les experts. En 2024, environ 2 700 cas de Vibrio ont été recensés sur le territoire (+ 78 % par rapport à la période 1990-1999).
Malgré ce « tableau sombre et indéniable », selon les termes de Marina Romanello, les gouvernements ont injecté 956 milliards de dollars (820 milliards d’euros) dans des subventions aux combustibles fossiles en 2023. En France, le soutien de l’État a atteint 21,53 milliards d’euros cette même année, « soit l'équivalent de 6,6 % des dépenses de santé », mettent en parallèle les experts. Dans le pays, si les émissions de CO₂ issues des combustibles fossiles ont diminué de 8 % entre 2016 et 2022, près de 36 000 décès étaient encore attribuables à la pollution atmosphérique en 2022, dont 38,5 % directement en lien avec les combustibles fossiles.
Un « élan mondial » en faveur d'une action climatique bénéfique pour la santé s’amorce tout de même. Le secteur de la santé fait d’ailleurs preuve d'un « leadership impressionnant » en la matière, avec une baisse de 16 % des émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale entre 2021 et 2022, et « près des deux tiers des étudiants en médecine dans le monde formés sur le climat et la santé en 2024 », saluent les experts.
En France, l’enjeu de la transition de l'alimentation et de l'agriculture
Les bénéfices de ces efforts sont à la fois sanitaires et économiques. Dans les pays riches, la transition vers des énergies renouvelables créé des emplois et a permis d'éviter environ 160 000 décès prématurés liés à la pollution des combustibles fossiles par an entre 2010 et 2022. En France, la transition des secteurs de l'alimentation et de l'agriculture apparaît comme un levier important. Les émissions liées à la consommation de viande rouge et de produits laitiers y sont en recul de 28 % depuis 2000, mais ces deux consommations sont encore responsables de 78 % des émissions liées à la consommation agricole. Surtout, 45 300 décès sont toujours associés à une consommation insuffisante d'aliments végétaux nutritifs et 34 700 décès à une consommation excessive de produits laitiers, de viande rouge et de viande transformée.
« Alors qu'un nombre croissant de dirigeants mondiaux menacent de remettre en cause les maigres progrès accomplis jusqu'à présent, des efforts urgents sont nécessaires », avertit Anthony Costello, coprésident du Lancet Countdown. Face au « statu quo insoutenable, malsain et, en fin de compte, invivable », « nous devons capitaliser sur la dynamique observée grâce aux initiatives locales : une transition équitable, juste et protectrice de la santé exige la mobilisation de tous », encourage-t-il.
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