Alors que le diabète, et notamment le type 2, est en constante augmentation en France, la Cour des comptes alerte sur les dépenses de santé croissantes générées et « des résultats sanitaires qui stagnent ». En 2023, un total de 10,2 milliards d’euros a été consacré à la prise en charge des près de 4 millions de personnes diabétiques, soit 5,3 % de l’ensemble des dépenses de l’Assurance-maladie (AM).
Afin de contrer cette hausse, « fortement associée à l’avancée de l’obésité et au vieillissement de la population », la Cour des comptes appelle à réformer la prise en charge du diabète et de la centrer sur la prévention, les facteurs d’évolution de la maladie et la prise en charge précoce.
Dans ce rapport public, l’institution attire l’attention sur les inégalités sociales et territoriales du diabète, une maladie chronique qui touche le plus les personnes défavorisées : le risque est 2,8 fois plus élevé pour les 10 % les plus modestes par rapport aux 10 % les plus aisés. La prévalence, inégale, est particulièrement élevée dans les départements et régions d’outre-mer.
De ses trois messages clés – prendre en compte les inégalités sociales et territoriales, développer une prise en charge précoce autour des modes de vie et améliorer le suivi, agir en amont sur les déterminants de santé – la Cour des comptes formule six recommandations, la première étant l’introduction de deux niveaux d’affection longue durée (ALD). Viennent ensuite le renforcement des thérapies non médicamenteuses, le développement de toutes les modalités d’éducation thérapeutique (ETP) ainsi que le recensement de l’offre. Des mesures visant les industriels sont également mises sur la table : élargir le périmètre des programmes audiovisuels soumis à une fiscalité comportementale et évaluer les effets de l’augmentation de la taxe sur les boissons sucrées (consommation, recomposition des produits).
Un panier de soins non médicamenteux remboursés
La Cour des comptes rapporte que près de « 30 % des personnes nouvellement prises en charge présentent une maladie déjà avancée en 2021 ». Le rapport propose d’améliorer le dépistage précoce, notamment via Mon bilan prévention, lancé à la rentrée 2024 ; pour la prise en charge et le suivi, d’autres dispositifs existants peuvent être actionnés tels que le service d’accompagnement à distance Sophia de l’Assurance-maladie, les infirmières Asalée ou encore des programmes d’éducation thérapeutique financés par les agences régionales de santé (ARS) sur le fonds d’intervention régional (FIR).
Au moment du diagnostic, la Cour invite à proposer à chaque patient un parcours ou un panier de soins intégrant éducation thérapeutique et activité physique adaptée. « La mise en œuvre de thérapies visant à modifier le mode de vie des patients constitue le traitement de première intention du diabète », rappelle le rapport. À ce sujet, une étude récente parue dans The Lancet a montré qu’à long terme, les modifications du mode de vie faisaient mieux que la metformine pour la prévention du diabète de type 2 chez les personnes à risque.
L’institution préconise ainsi d’optimiser les régimes d’ALD avec une prise en charge de ce type de soins non médicamenteux dans le cadre de l’ALD 8 et de créer deux niveaux d’ALD selon la sévérité et les complications. Au niveau 1, l’exonération du ticket modérateur serait concentrée sur certains soins préventifs, les examens de suivi et bilans mais aussi les thérapies non médicamenteuses de modification des modes de vie, aujourd’hui exclues du remboursement de droit commun. Au niveau 2, l’exonération concernerait l’ensemble des soins en lien avec la pathologie.
Le directeur général de la Caisse nationale de l’assurance-maladie (Cnam), Thomas Fatôme, a d’ores et déjà exprimé « souscrire en grande partie aux recommandations », tout en relevant certaines difficultés de faisabilité quant à une réforme des régimes d’ALD.
Les industriels dans le viseur
Mais, pour la Cour, le plus urgent reste d’agir en amont sur les déterminants de santé, avant l’apparition de la maladie, l’alimentation étant la pierre angulaire. Les mesures déjà mises en place (affichage nutritionnel, encadrement de la publicité et taxe sur les boissons sucrées), qui « reposent encore largement sur le volontariat des acteurs », constate la Cour, « mériteraient de devenir plus contraignantes ». « C’est aux acteurs de l’industrie de proposer des formulations des aliments et de faciliter un accès équitable à une alimentation favorable à la santé », ajoute-t-elle, en les incitant par exemple « à réduire les sucres ajoutés dans l’ensemble de leurs produits alimentaires ».
L’institution recommande enfin « une action plus volontariste de la part des pouvoirs publics » quant à la fiscalité comportementale, par exemple « en élargissant le périmètre des programmes audiovisuels (télévision et réseaux sociaux) soumis à l’interdiction de publicité des produits gras, sucrés ou salés ».
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