Par un procédé de conversion enzymatique, des chercheurs sino-canadiens sont parvenus à « convertir » un rein provenant d’un donneur de type A en un rein universellement compatible. L’organe nouvellement O a été transplanté chez un receveur de type O en état de mort cérébrale qui n’a montré aucun signe de rejet durant deux jours.
« C’est la première fois que nous observons cela chez un humain, s’est enthousiasmé le Dr Stephen Withers dans un communiqué de presse. Cela nous fournit des données précieuses pour améliorer le pronostic à long terme ». En 2022, une équipe de Toronto (Canada) avait déjà montré ex vivo que des poumons pouvaient être convertis, et des tests ex vivo avaient été réalisés en partenariat avec l’Université de Cambridge sur des reins et des poumons. Leurs travaux novateurs, publiés dans Nature Biomedical Engineering, font prendre un virage aux pratiques de transplantation, les interventions se concentrant désormais sur l’organe et non plus sur le receveur. « Ils pourraient également élargir la portée des transplantations rénales ABO incompatibles, améliorant l’équité et l’accès à l’attribution des organes », projettent les auteurs.
De premiers signes d’accommodation
Au cours d’une procédure de perfusion hypothermique de deux heures, les chercheurs ont utilisé deux enzymes (FpGalNAc déacétylase et FpGalactosaminidase) pour éliminer le sucre caractéristique des types A (N-acetylgalactosamine) rendant ainsi le rein type O. Ils ont estimé que le traitement enzymatique avait éliminé 96,4 % des antigènes A. Ces enzymes utilisées ont été développées par les chercheurs de l’Université de Colombie-Britannique (Canada). Cette équipe, menée par les Drs Stephen Withers et Dr Jayachandran Kizhakkedathu, travaille depuis plus d’une dizaine d’années sur un sang universel dépourvu des antigènes qui définissent les groupes sanguins. « Ces enzymes sont très actives, très sélectives, et fonctionnent à de très faibles concentrations », a détaillé le Dr Kizhakkedathu.
L’équipe issue de l’hôpital de Chine de l’Ouest (Chengdu, Chine) a réussi en 2023 une première conversion grâce aux enzymes canadiennes, sur un rein humain transplanté à un receveur en état de mort cérébrale. Depuis ils ont ajusté le protocole de perfusion pour optimiser l’efficacité de la conversion enzymatique. Ici, le receveur, en état de mort cérébrale à l’hôpital de Chengdu, était de type O et présentait des taux élevés d’anticorps anti-A. L’équipe lui a administré une thérapie d’induction et une immunosuppression légère.
Après la transplantation, aucun signe de rejet hyperaigu n’a été observé. Le greffon a ainsi fonctionné normalement durant deux jours (1 300 ml d’urine dans les premières vingt-quatre heures avec un débit qui a diminué dans le temps), sans signe de rejet médié par les anticorps.
Au troisième jour cependant, les médecins ont observé de légers signes de rejet : des lésions médiées par les anticorps et un dépôt de complément (observés par biopsie) correspondant à la régénération de l’antigène A, ainsi qu’un début de réponse immunitaire. « Ces signes étaient cependant moins conséquents que dans le cas d’une incompatibilité classique », ont souligné les auteurs. De plus, les chercheurs ont noté des signes plutôt positifs allant dans le sens d’une tolérance du greffon par l’organisme. Un séquençage cellulaire a confirmé une expression élevée de gènes liés à l'accommodation, « suggérant un potentiel de tolérance à plus long terme ».
Forts de cette preuve de concept, les auteurs vont désormais passer aux essais cliniques en partenariat avec une société de biotechnologie chargée de développer les enzymes pour les transplantations et le sang universel.
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