Face aux vulnérabilités extrêmes engendrées par une maladie génétique rare, souvent sans traitement curatif, les médecins peuvent se sentir démunis. Pour ouvrir des perspectives de prise en charge autre que médicale, trois institutions, l’Institut Imagine (dédié à la recherche sur les maladies génétiques), l’École des arts décoratifs (Ensad) et l’École normale supérieure (ENS), ont créé la chaire de recherche « Vulnérabilités et Capabilités » (Vulca).
Lancée officiellement ce 25 novembre à Paris, cette alliance de la recherche médicale, du soin, des humanités, du design et des sciences expérimentales vise un double objectif : accompagner et aider les patients à vivre avec la maladie et apporter des solutions « là où science et médecine ne peuvent répondre immédiatement ».
Son « premier rôle » sera d’« aider celles et ceux qui souffrent » de maladies génétiques rares, une souffrance qui est « étendue aux familles », résume Frédéric Worms, philosophe et directeur de l’ENS de l’université Paris Sciences et Lettres (PSL). L’ambition est de « replacer les individus dans une dynamique d’action », ajoute la Pr Lisa Friedlander, odontologiste, épidémiologiste spécialisée dans les vulnérabilités médico-sociales et co-coordinatrice scientifique de la chaire.
Vulca développera une « recherche exploratoire » pour « proposer une approche innovante du soin », le design pouvant amener des « solutions concrètes » aux patients, complète Sophie Larger, enseignante à l’Ensad, membre du groupe de recherche Symbiose d’EnsadLab, également co-coordinatrice scientifique de Vulca.
Des « peaux » artificielles pour pallier la perte de sensation
Plusieurs projets sont déjà sur les rails. C’est le cas de la recherche qui associe la Pr Christine Bodemer, cheffe du service de dermatologie de l'hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP) et coordinatrice du centre de référence des maladies rares de la peau et des muqueuses d'origine génétique, et la doctorante à l’EnsadLab, Audrey Brugnoli.
La première est une spécialiste de l’épidermolyse bulleuse héréditaire, cette pathologie se manifestant par une fragilité de la peau où le « moindre frottement » peut provoquer un « décollement de la peau », explique-t-elle. Cette maladie rare et orpheline est un « tsunami » dans les familles, car « il n’est pas possible de toucher un enfant atteint ». Pour le patient, la souffrance est physique et psychologique du fait de l’impossibilité d’un contact. Le traitement, uniquement symptomatique, consiste en des pansements sous forme de bandelettes qui couvrent le corps. « C’est visible » et stigmatisant : « ça contribue à la non-intégration sociale », souligne la Pr Bodemer.
La seconde consacre sa thèse au développement de « peaux » artificielles préventives et/ou réparatrices dans l’optique de pallier la perte de sensation associée à certaines maladies génétiques rares de la peau. Son travail a nécessité une « phase d’acculturation » pour comprendre les maladies et les patients et une exploration de nombreux matériaux, avant de concevoir un dispositif médical centré sur les « expériences sensorielles ».
Un autre projet de recherche s’est intéressé à la manière d’aider les enfants atteints de séquelles de malformations ano-rectales, notamment lors de l’apprentissage de la propreté. Une question face à laquelle la Dr Célia Crétolle, chirurgienne pédiatrique, s’est longtemps sentie « démunie ». Pour aider les enfants à se représenter leur système ano-rectal et son fonctionnement, la doctorante à l’EnsadLab Léa Tricaud a élaboré une « exploration corporelle » par le dessin avec l’objectif de développer une « propreté socialement acceptable », explique-t-elle.
Interagir de manière sensible avec les données
Le projet « Dr Tamed Cloud », qui associe François Garnier, responsable du groupe de recherche Spatial Media de l’EnsadLab, et Nicolas Garcelon, responsable de la plateforme Data science de l’Institut Imagine, s’adresse quant à lui aux médecins et aux chercheurs. Le dispositif de réalité virtuelle qu’ils ont élaboré permet de s'immerger dans des données médicales numériques de manière « sensible », en interagissant avec elles visuellement et par les gestes. Cette réappropriation des data peut faire émerger de nouvelles interprétations et de nouvelles hypothèses de recherche, estiment les chercheurs.
Le panel de recherches possibles sous l’égide de Vulca paraît large. Un appel à manifestation d’intérêt est ouvert jusqu’à la fin novembre. Les candidats retenus pourront être accompagnés pendant plusieurs mois avant un démarrage des travaux au printemps prochain. À terme, une exposition des travaux de la chaire est prévue rue Érasme à Paris, entre l’ENS et l’EnsadLab.
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