« Nous nous faisions souvent la réflexion qu’il manquait un service d’urgence capable de se déplacer au chevet des personnes âgées », raconte le Dr Thomas Brisson, urgentiste. « Et un jour, nous l’avons fait ! », ajoute sa femme pharmacienne, avec enthousiasme. Tous deux issus du monde hospitalier, ils décident de se lancer. C’est ainsi qu’est née en 2022 l’Unité Médicale Mobile, un petit utilitaire embarquant l’essentiel d’un mini-service d’urgence.
Équipé d’un kit de suture, d’un matériel de traumatologie, de dispositifs stériles et même d’un Amadeo, un matériel de radiologie embarquée, le véhicule a été pensé pour prendre en charge les urgences traumatologiques (entorses, fractures, plaies, brûlures…), sans passer par la case hôpital. « L’objectif était que le patient soit pris en charge comme s’il avait été accueilli aux urgences », explique le médecin. L’équipement lui permet de faire l’examen clinique, la radio, la confection des plâtres...
Le service, destiné aux personnes âgées, couvrait tout le Bas-Rhin, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Jihane Brisson, tout en poursuivant son travail à l’hôpital, assurait la gestion administrative et le planning. Le Dr Brisson, accompagné d’un infirmier, François Erckert, prenait la route pour se rendre chez les patients. La plupart des pathologies sont le traumatisme des bras et jambes liées aux chutes, d’où la nécessité d’avoir un équipement de radiologie. La contrepartie de cet équipement « était son poids, 75 kg ! À cela s’ajoutent l’imprimante, l’ordinateur et le gilet de plomb », énumère le praticien. Une charge non négligeable à porter tous les jours.
Victime de leur succès
Très vite, le concept séduit. « Certains résidents d’Ehpad ne voulaient plus aller aux urgences. Les médecins des établissements nous appelaient directement », se souvient Jihane Brisson. Pendant deux ans, le couple ne prend aucun congé, et enchaîne les interventions sur tout le département. Le besoin était réel, mais la demande est vite devenue trop importante pour deux personnes. « Nous ne pouvions plus répondre à tout le monde de façon équitable », déplore le Dr Buisson. Le duo porte secours à une dizaine de patients par jour mais l’éloignement géographique, le temps passé auprès de chacun et le poids du matériel rendent la tâche plus ardue.
Face à cette charge, ils cherchent à recruter un second médecin. Ils contactent plusieurs cabinets de recrutement, reçoivent quelques candidatures, mais peinent à convaincre. « Le rendement financier attendu n’était pas à la hauteur d’une activité hospitalière classique », expliquent-ils. Malgré la facturation de dépassements d’honoraires, le modèle est fragile financièrement, et le couple refuse d’augmenter davantage les tarifs. « La rémunération était correcte, mais loin de celle d’un urgentiste salarié », à laquelle pouvaient prétendre les candidats, ajoutent-ils. Le Dr Brisson est lui aussi obligé de faire des gardes pour compléter ses revenus.
Dans l’impossibilité de maintenir un niveau de qualité sans soutien, ils ont décidé d’arrêter en février 2025. « Ce n’est pas un échec, confirment-ils. Les patients étaient ravis, certains nous en parlent encore. C’est notre plus grande satisfaction. Nous voulions prouver qu’une alternative au système hospitalier était possible. Nous l’avons fait ». Avec le recul le Dr Brisson est persuadé que ce mode d’exercice est la solution à l’engorgement des urgences à condition de « constituer une équipe en amont ».
Aujourd’hui, tous deux ont retrouvé un poste dans un hôpital à Aix en Provence, mais gardent l’envie, un jour, de relancer l’aventure. « C’était un projet de cœur… L’abandonner a été très dur », reconnaissent-ils avec émotion.
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