« Pendant la période de suspension, le Dr Lafon devra actualiser ses connaissances et sa pratique en médecine générale et devra suivre une remise à niveau de 160 demi-journées chez un maître de stage agréé », écrit la formation restreinte du Conseil national de l’Ordre des médecins dans sa décision du 25 septembre 2024. Le verdict est tombé après huit mois d’allers-retours depuis sa demande de reprise d’activité en tant que médecin généraliste en février 2024. S’il ne remet pas en cause le principe de la formation, le Dr Lafon déplore la lenteur du processus : « Je trouve normal de suivre une formation, mais autant la demander dès le début, au lieu de me faire perdre huit mois, sans parler du temps qu’il a fallu pour trouver ensuite un maître de stage. »
Trois mois lui sont accordés pour trouver la perle rare pour cette « mise à jour ». Un délai que l’omnipraticien juge « délirant ». Après de multiples démarches, il obtient des stages chez trois confrères. « Je voulais aller jusqu’au bout, pour témoigner de toute l’humiliation que l’on ressent d’être maltraité par ses propres confrères », confie-t-il. Médecin généraliste pendant 45 ans en cabinet, puis en milieu hospitalier, engagé dans l’humanitaire et la médecine sociale, il a exercé aussi en cabinet de garde. En 2020, il prend sa retraite à l’âge de 70 ans. Trois ans et demi plus tard, il souhaite rempiler. « Je voulais reprendre une activité de téléconsultation et, pourquoi pas, effectuer quelques remplacements », indique-t-il.
La formation continue, le sésame
En janvier 2024, muni d’un contrat avec un centre de téléconsultation, il demande à l’Ordre des médecins l’autorisation d’exercer. Mais le président de l’époque lui intime d’arrêter toute activité à compter du 27 février 2024, y compris en tant que médecin traitant pour ses proches. « On m’a dit : il faut que vous soyez expertisé, vous avez plus de trois ans d’interruption, vous présentez des risques majeurs d’insuffisance professionnelle », se remémore le Dr Lafon. Le praticien en a conscience et s’efforce de rester à jour.
Il suit régulièrement des formations via Fréquence médicale et est abonné au Quotidien du Médecin et Prescrire. « Beaucoup de choses, reconnaît-il, ont changé dans les prises en charge des maladies chroniques : diabète, hypertension, pathologies cardiovasculaires… » Il regrette d’ailleurs de ne pouvoir suivre les formations DPC, car il n’est pas rattaché à un cabinet. « J’ai voulu faire les formations DPC, mais j’en avais pour 500 à 600 euros à chaque fois. Je ne pouvais pas me le permettre. Et cela m’a été reproché ! », s’exclame le généraliste secoué par la situation.
Un système de vérification des connaissances injuste ?
Huit mois après le début de ses démarches, l’expertise a enfin lieu. « C’était impressionnant : ils étaient nombreux, et les questions très scolaires. Le rapport ne reflète pas ma pratique. » Au nombre des questions, celle sur le suivi des enfants et le calendrier vaccinal le laisse perplexe. Il n’en comprend pas non plus la logique : « Je ne trouve pas normal d’être expertisé comme si j’avais commis une faute grave. Les experts, systématiquement, renvoient les médecins. J’ai cherché… Je n’ai pas trouvé un seul cas où ils ont dit : “Oui, docteur, vous pouvez exercer” ». Avec le recul, le Dr Lafon estime que l’évaluation devrait être plus cohérente : « Il faudrait la réaliser sur plusieurs jours, avec des études de cas, des QCM… bref, quelque chose de représentatif de la réalité médicale. »
À présent, il souhaite retrouver la capacité de soigner, notamment l’un de ses enfants atteint d’une maladie chronique. « Cela m’a retourné les tripes de devoir aller quémander des ordonnances à mes confrères pour ça, pour ci… », explique-t-il. Ses 160 demi-journées en poche, il attend la décision finale du CNOM.
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