Petite, elle était sage et obéissante. Plus grande, elle souffre de cauchemars et d’insomnie. À 12 ans, elle fait une tentative de suicide. Comme plus de 2 millions de Français* cette fillette a subi l’inceste. La séquence filmée diffusée par le Collectif Féministe Contre le Viol (CFCV) à partir du 28 janvier est suffisamment réaliste pour sensibiliser l’ensemble des adultes à l’inceste.
En lien étroit avec le ministère du droit des femmes, l’association revendique de profonds changements des sphères judiciaire et médico-sociale. D’abord, la réintroduction de l’inceste dans le code pénal, supprimée sans raison aucune en 2011 après seulement 19 mois de validité. Au nom de son association, Emmanuelle Piet souhaite « que tous les viols soient jugés en cour d’Assises, et que tous les incestes soient considérés comme des viols ». Ce qui semble évident ne l’est pourtant pas aux yeux de la loi, qui, selon le collectif, regorge de failles non négligeables. Dont celle qui impose de prouver le caractère contraignant d’une agression sexuelle par un majeur sur un mineur de 15 ans.
Tabou.
Pour la présidente du collectif, il est évident qu’« un enfant de cet âge-là ne peut pas consentir » souvent contraint au silence par son agresseur. D’où sa volonté d’inscrire l’inceste des moins de 15 ans comme infraction au sein du code pénal, sans nécessité de preuves quant à l’absence de consentement. Si le Dr Emmanuelle Piet met tant d’énergie au combat, c’est qu’elle est confrontée quotidiennement à un tabou qui n’en finit pas. Plus de la moitié des appels sur la ligne téléphonique CFCV concernent des jeunes filles violées dans leur enfance et jusque-là muées dans le silence. Ce qu’elle constate avec regret, c’est qu’elles souffrent toute la vie durant. « Les enfants qui ne sont pas pris en charge risque d’avoir une vie sabotée », insiste-t-elle. Dans le cadre d’une enquête menée en 2007 auprès de 1 566 jeunes filles du 93 de 18 à 21 ans, 13 % d’entre elles avaient subi une agression sexuelle de la part de leur père, ou de leur beau-père.
Poser la question.
Le phénomène est donc loin d’être anecdotique. Ce qu’il est encore moins, c’est le retentissement sur la santé. « Les violences sexuelles dans l’inceste sont génératrices de problèmes de santé physiques et psychiques, d’angoisses, et d’états de stress post-traumatiques complexes susceptibles d’être la cause de dépressions sévères, de tentatives de suicide, de difficultés sexuelles, de troubles du comportement alimentaire et de difficultés de vie scolaire et de vie sociale », rappelle le Dr Gille Lazimi, coordinateur de la campagne et médecin généraliste en Seine-Saint-Denis. Qui en profite pour rapporter les résultats d’une étude du Pr Louis Jehel, spécialiste du psychotraumatisme : « Dans une population souffrant d’anorexie-boulimie, de tentatives de suicide et de phobie sociale, la fréquence de l’inceste était élevée à 97 % ». Face à de tels tableaux cliniques mêlant troubles du sommeil, troubles alimentaires, ou troubles fonctionnels intestinaux, sans cause retrouvée, « il faut penser à l’inceste », insiste le Dr Lazimi. Et pour avoir une réponse, il faut poser la question : « Les femmes répondent lorsqu’on leur demande », précise Emmanuelle Piet.
Mais que faire en pratique face à une patiente qui parle d’inceste ? Lui proposer de l’aide. Le hic, c’est que les centres de victimologie manquent en France. Et que les rares personnes formées au psychotrauma sont le plus souvent des psychologues… non remboursés par la sécu. D’où la revendication du CFCV de prendre en charge à 100 % les soins des victimes (suivi psychologique inclus), même au-delà de la majorité. Aux opposants qui crieront au manque d’argent, le Dr Lazimi répond : « Vu le coût du retentissement de l’inceste toute la vie durant, on gagnerait à prendre en charge très tôt ces problématiques ».
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