Plus de neuf personnes sur dix avec des rhumatismes estiment que les douleurs ont un impact sur la qualité de leur sommeil et sur leur moral, selon la dernière enquête réalisée par 17 associations de patients avec le soutien de l’Inserm, la fondation Arthritis et la Société française de rhumatologie, dans le cadre de l’initiative Ensemble contre les rhumatismes.
Plus de 2 100 réponses complètes de personnes touchées par une dizaine de maladies rhumatismales (arthrose, bursites, tendinites, ostéoporose, rhumatismes inflammatoires) ont été collectées entre le 8 avril et le 14 mai 2024. Les réponses brutes ont été analysées par l’association Tous chercheurs et l’Inserm en a tiré une synthèse publiée en ligne.
Environ deux tiers de répondants qualifient ces douleurs de « permanentes » et seulement un tiers d’« intermittentes ». Plus de 60 % des personnes rapportent être gênées à la fois le jour et la nuit. Parmi les facteurs déclenchants des douleurs (80 % des répondants en ont repérés), le stress est le plus cité (17 %), devant les changements météo (15 %), la fatigue (14 %), l’immobilité (11 %), les déplacements et l’activité physique (11 %). Viennent ensuite le bruit et le travail (7 %), certains aliments (5 %) et les rapports sexuels (3 %).
L’approche médicamenteuse insuffisante
La très grande majorité des patients fait part de ses douleurs à des professionnels de santé : plus de 90 % ont consulté dans les six derniers mois, leur médecin généraliste pour un quart, un spécialiste des maladies chroniques pour un cinquième et un kinésithérapeute pour 15,5 %.
Plus de 80 % des répondants prennent des médicaments à visée antalgique (1 741 sur 2 100). Sans surprise, le paracétamol est le plus testé (94 %) suivi des anti-inflammatoires non stéroïdiens (62 %). Une dizaine d’autres traitements sont évoqués : la cortisone (47 %), le paracétamol codéiné (40 %), le tramadol (38 %), le paracétamol-tramadol (36 %), les corticoïdes (35 %), l’amitriptyline (25 %), la morphine (25 %), la duloxétine (22 %), la prégabaline (20 %), l’acide hyaluronique (14 %), la gabapentine (14 %) et la venlafaxine (13 %).
Pourtant, l’efficacité n’est pas à la hauteur des attentes : 40 % de ceux ayant pris du paracétamol le jugent non efficace, contre 12 % qui rapportent l’inverse, quand 38 % estiment l’efficacité variable. Et 11 % le trouvaient efficace au début mais plus ensuite. De plus, plus d’une personne sur deux ne prend pas les médicaments en raison des effets indésirables.
Promouvoir les ateliers psy et ETP
Les patients se tournent vers des stratégies non médicamenteuses pour soulager les douleurs, en particulier la kinésithérapie réalisée par deux tiers des répondants qui, en majorité (75 %) ont jugé les séances utiles. Un tiers a consulté un psychiatre et/ou un psychologue (notamment pour des thérapies cognitivo-comportementales) et près de 7 personnes sur 10 y ont trouvé une aide. Moins d’une personne sur cinq a testé l’éducation thérapeutique du patient (ETP) pour apprendre à vivre avec une maladie chronique, pourtant plus de deux tiers ont été satisfaits.
« Les séances “psy” et d’ateliers ETP gagneraient sûrement à être mieux connues : plus souvent proposées et mieux acceptées de la part des patients », a commenté le Pr Francis Berenbaum, rhumatologue à l’hôpital Saint-Antoine (AP-HP) et chercheur Inserm. Dans le même temps, près de 60 % des répondants ont fait appel à des thérapies complémentaires : les médecines psychocorporelles (hypnose, méditation, sophrologie…) par une personne sur cinq, des approches non validées par une sur six.
Alors qu’aucun médicament ne permet encore de contrer l’évolution de l’arthrose, la plus fréquente des maladies rhumatismales (près de 10 millions de personnes en France), l’Inserm essaie d’affiner l’approche en travaillant à définir des phénotypes (caractéristiques cliniques et biologiques), ce qui permettra d’évaluer les médicaments dans des groupes plus homogènes. Plusieurs projets de recherche sont ainsi en cours au sein du réseau Road to 2030, lancé par l’Inserm en avril 2024 sur les maladies ostéoarticulaires sous la coordination du Pr Berenbaum.
Road to 2030 : de multiples projets dans l’arthrose
De multiples projets sont menés pour décrypter les mécanismes déclencheurs mais aussi soulager la douleur. L’intelligence artificielle est mise à contribution dans GO-Pain pour recueillir un maximum d’informations sur les douleurs liées à l’arthrose. Un essai clinique Inflam Motion, lancé par une équipe Inserm/Sorbonne Université/AP-HP étudie l’administration intra-articulaire d’un analogue du GLP-1, le liraglutide, dans 20 centres en Europe et en Amérique du Nord. D’autres recherches visent à régénérer le squelette et les articulations, dont le projet Carn qui se base sur des ARN thérapeutiques en utilisant les vésicules extracellulaires (produites par les cellules stromales mésenchymateuses) pour les véhiculer. Quant au projet Stromaev, il se concentre sur la production à grande échelle de vésicules extracellulaires, dotées en elles-mêmes de propriétés thérapeutiques.
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