L’allopurinol est le traitement hypouricémiant (THU) de référence, recommandé en première intention chez des patients goutteux sans maladie rénale chronique sévère (MRC) (clairance de la créatinine > 30 ml/min/1,73 m2). C’est un traitement très efficace qui permet d’obtenir l’uricémie cible dans plus de 95 % des cas lorsque sa posologie est progressivement adaptée.
Le principal risque de l’allopurinol est l’allergie cutanée grave (Syndrome de Lyell, de Stevens-Johnson et DRESS) ou SCAR (Severe Cutaneous Adverse Reaction). La prévalence des SCAR est rare voire très rare, estimée entre 0.01 et 0.3 % en fonction des populations. La survenue d’un SCAR est associée à un risque de mortalité de 30 %. La réaction survient dans les 3 mois qui suivent l’initiation de l’allopurinol avec un pic à 21 jours. Les facteurs de risque sont bien identifiés : âge, sexe féminin, présence de l’antigène HLA B5801, dose initiale d’allopurinol trop élevée (≥ 300 mg/jour), MRC stade 3-5, insuffisance cardiaque et maladie cardiaque ischémique. La prévalence de l’antigène HLAB5801 varie en fonction des ethnies. Elle est haute en Chine, Taïwan, Asie sud-est, Inde, Afrique sub-saharien et faible au Japon, dans la population Caucasienne et hispanique.
Dans ce contexte, des chercheurs ont tenté de développer un modèle permettant de prédire le risque de développer un SCAR dans les 100 jours suivant l’initiation de l’allopurinol chez des patients naïfs de THU.
Les auteurs ont utilisé le registre électronique britannique Clinical Practice Research Datalink (CPRD) qui contient des données de délivrance médicamenteuse, de causes d’hospitalisation et de mortalité. Le modèle de prédiction, réalisé sur la base CPRD Aurum, était construit avec 173 812 patients goutteux (âge moyen 63.9 ans, 74.3 % hommes et 88.8 % de patients blancs) qui débutaient un traitement par allopurinol. Il a ensuite été validé sur le registre CPRD Gold qui comportait 41 610 patients (âge moyen 64.4 ans, 74.0 % hommes et 89.5 % blancs).
Attention à la dose initiale
63 patients (0.04 %) du registre CPRD Aurum et 16 (0.04 %) du registre CPRD Gold ont développé un SCAR. L’intervalle médian de survenue de l’allergie grave après introduction de l’allopurinol était de 34 et 35 jours dans les registres CPRD Aurum et GOLD, respectivement. La majorité (82 %) des réactions allergiques graves était survenue dans les 8 semaines suivantes l’introduction de l’allopurinol. L’âge, la MRC stade 3-5, la population asiatique et une dose initiale d’allopurinol trop élevée étaient associées à un risque augmenté de SCAR (tableau ci-dessous).

En Angleterre, le risque d’allergie grave à l’allopurinol varie de 0.1 % à 0.01 % selon les études. Le modèle permet d’estimer un risque individuel d’allergie grave à l’allopurinol allant de moins de 0.0001 % à 1 %. Il intègre les facteurs de risque identifiés cités plus haut avec des facteurs de pondération.
La possibilité d’estimer le risque d’allergie cutanée grave permettra de mieux choisir le THU. Ainsi, le fébuxostat sera préféré chez un patient à haut risque. Cependant, cette étude ne propose pas de seuil de risque au-delà duquel l’allopurinol ne doit pas être utilisé. Elle confirme la nécessité d’initier l’allopurinol à faible dose (50 mg/jour), comme préconisé par les recommandations nationales et internationales, pour à la fois diminuer le risque d’allergie et les crises de goutte.
Cipolletta E et al. Development and validation of a prognostic model for predicting the risk of allopurinol-induced severe cutaneous adverse reactions : a retrospective new-user cohort study using linked primary care, hospitalisation and mortality data. Lancet rheumatol 2025.
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