Les troubles mentaux préexistants, en particulier les troubles psychotiques et de l'humeur, et l'exposition aux antipsychotiques et aux anxiolytiques sont associés à un risque accru de décès à la suite d'une infection par le SARS-CoV-2, confirme une méta-analyse publiée dans « The Lancet Psychiatry ».
« Une série de publications internationales concordantes établissent, depuis plusieurs mois, que les patients atteints de maladie mentale sont plus à risque de faire des formes graves, d’être hospitalisés et de décéder du Covid-19. Ces données doivent alerter les médecins et les décideurs, car elles ont des implications, notamment sur les cibles qui doivent être prioritaires dans la campagne vaccinale », souligne auprès du « Quotidien » la Pr Marion Leboyer, psychiatre, directrice de la fondation FondaMendal et co-auteure de cette méta-analyse.
Dès février, la psychiatre avait cosigné un appel, également publié dans « The Lancet Psychiatry », réclamant la prise en compte des personnes atteintes de maladie mentale dans les stratégies vaccinales contre le Covid-19, alors qu'au niveau européen, seuls quatre pays considéraient explicitement les patients psychiatriques comme des populations prioritaires.
Risque accru avec les antipsychotiques et anxiolytiques
Cette nouvelle publication, compilant 23 études dont 22 jugées de haute qualité, s'appuie sur l'analyse des données de près de 1,5 million de personnes atteintes de Covid-19, parmi lesquelles 43 938 souffraient de troubles mentaux. Il en ressort que « la présence de toute maladie mentale comorbide était associée à un risque accru de décès après une infection par le SARS-CoV-2 (OR = 2) », constatent les auteurs. Cette association est observée pour les troubles psychotiques (2,05), les troubles de l'humeur (1,99), les addictions aux substances (1,76) et les déficiences intellectuelles et troubles du développement (1,73), mais pas pour les troubles anxieux (1,07).
La consommation d’antipsychotiques était par ailleurs « systématiquement » associée à un risque accru de mortalité (OR = 3,71), tout comme celle d’anxiolytiques (2,58). « L'exposition aux antidépresseurs n'était associée à un risque de mortalité accru que dans les estimations brutes (2,23) », est-il indiqué.
La sévérité de la maladie mentale (y compris pour les troubles psychotiques et de l'humeur) est également associée à un risque de décès plus élevé. « Les patients atteints d'une maladie mentale grave avaient des estimations de mortalité plus élevées (OR = 2,21) que les patients atteints d'autres troubles mentaux (1,62) avec une différence significative identifiée entre les estimations ajustées », notent les auteurs.
Un risque d'hospitalisation plus élevé, sans augmentation des admissions en réa
Concernant le risque d’hospitalisation, il apparaît plus de deux fois plus élevé chez les personnes présentant un trouble mental préexistant (comparé aux sujets sans trouble mental préexistant). L’association « la plus robuste » avec l'hospitalisation concerne les patients ayant un trouble comorbide lié à l'usage de substances (OR = 2,66). Les troubles psychotiques ne sont en revanche pas significativement associés à un risque d’hospitalisation (1,68). Faute de données disponibles, les auteurs n’ont pu estimer le risque d'hospitalisation associé à la consommation de médicaments.
Malgré ces risques accrus, ces patients ne sont pas admis plus que les autres en unité de soins intensifs. « Nos données révèlent un contraste frappant chez les patients atteints de maladie mentale grave et de troubles psychotiques : alors qu'ils sont touchés par le risque de mortalité le plus élevé, ils ne sont pas plus hospitalisés », s’alarme la Dr Livia De Picker de l'hôpital psychiatrique universitaire Campus Duffel (Belgique), auteure principale de l’étude, dans un communiqué. « C’est une alerte sur la stigmatisation de la maladie mentale lors de l’hospitalisation », ajoute la Pr Leboyer.
Plusieurs facteurs pourraient expliquer les associations observées, et notamment une prévalence plus élevée de facteurs de risque de comorbidité somatique, un accès réduit aux soins, mais aussi « des processus biologiques, tels que des altérations immuno-inflammatoires liées aux pathologies psychiatriques », avancent les auteurs. Les antipsychotiques pourraient également « précipiter le risque cardiovasculaire et thromboembolique, interférer avec une réponse immunitaire adéquate et provoquer des interactions pharmacocinétiques et pharmacodynamiques avec les médicaments utilisés pour traiter le Covid-19 », selon eux.
Des études supplémentaires sont nécessaires pour comprendre les associations observées, mais aussi déterminer les facteurs prédictifs d’une forme grave ou d’un décès. D’un point de vue pratique, la priorité doit être la vaccination de ces populations, estiment les auteurs. « Ces patients devraient être systématiquement vaccinés quand ils sont hospitalisés. Ce n’est pas toujours le cas, alors qu'ils évoluent dans un vase clos, où la distanciation sociale ne peut pas toujours être respectée », déplore la Pr Leboyer.
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