Près de 20 % des pneumopathies pulmonaires interstitielles (PID) sont associées à une maladie systémique. Ces maladies, regroupées désormais sous le terme de maladies auto-immunes systémiques rhumatologiques (Sard pour systemic autoimmune rheumatic diseases) ont dernièrement fait l’objet de recommandations internationales, par l’American college of chest physicians (Chest) et l’American college of rheumatology (ACR), (1) et par la Société européenne respiratoire (ERS) et l’Alliance européenne des associations de rhumatologie (Eular), (2). « Ces recommandations viennent préciser et homogénéiser le dépistage, les modalités de diagnostic et la prise en charge de ces PID associées aux Sard. Ceci dans le contexte de l’arrivée de nouveaux traitements antifibrosants, qui ouvrent de nouvelles perspectives », résume la Pr Yurdagül Uzunhan (CHU Avicenne), pneumologue au sein du centre de référence des maladies pulmonaires rares de l’adulte, Centre de compétence des maladies auto-immunes et systémiques rares de l’hôpital Avicenne, Bobigny.
Distinguer les PID d’installation rapidement progressive de celles plus insidieuses
Pour rappel, les PID associées aux Sard sont caractérisées par des signes cliniques associant une symptomatologie pulmonaire (dyspnée, toux chronique, crépitants) et des signes cliniques périphériques généraux : articulaires, cutanés et musculaires.
« Il faut d’entrée distinguer deux phénotypes. Les PID d’installation lente et les PID rapidement progressives, au cours desquelles la fonction pulmonaire s’altère rapidement. Les secondes nécessitent en effet l’adressage en urgence voire grande urgence à un centre de compétence ou de référence Maladies pulmonaires rares de l’adulte (Réseau Orphalung), prévient la Pr Uzunhan. Alors que dans celles à progression lente, le dépistage et le diagnostic (imagerie, biologie) peuvent être initiés par le pneumologue hospitalier ou de ville. D’autant qu’ils seront amenés dans bien de cas à suivre les patients en collaboration avec les centres experts dans le cadre d’un suivi partagé. »
Le diagnostic de la fibrose progressive défini par les recommandations repose sur la présence de deux critères sur trois parmi les trois dimensions cliniques (aggravation de la dyspnée), fonctionnelles (détérioration de la capacité vitale forcée de plus de 5 % ou de la DLCO de plus de 10 %) et scanographiques, sur une période de 12 mois malgré un traitement médical bien conduit (3). « Et il faut souligner qu’au cours du suivi, il est très important de détecter le phénotype de fibrose progressive. Il est retrouvé chez près d’un tiers des patients et il grève significativement la survie », insiste la spécialiste.
Percée des antifibrosants et nouvelles perspectives de traitement
Le traitement médicamenteux des PID de connectivites s’est longtemps résumé aux corticoïdes et immunosuppresseurs. Mais, depuis 2019, plusieurs antifibrosants sont venus élargir l’éventail thérapeutique. « Ceci sans pour autant être indiqués chez tous les patients », résume la Pr Uzunhan.
Deux antibrosants — nintédanib et pirfénidone — déjà utilisés dans le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) ont commencé à être prescrits dans le traitement des PID fibrosantes progressives. Les études randomisées de phase 3 Inbuild (4) et Senscis (5) ont en effet mis en évidence un ralentissement du déclin de la fonction respiratoire associé au traitement.
Cette année, un nouvel antifibrosant — le nerandomilast, inhibiteur oral préférentiel de la phosphodiestérase 4B (PDE4B) — a à son tour a montré son intérêt, tout à la fois dans le traitement des fibroses pulmonaires idiopathiques et dans celui des fibroses pulmonaires progressives. C’est ce qu’il ressort des essais Fibroneer présentés au congrès de l’ATS et publié simultanément dans NEJM (6, 7)
Dans l’étude Fibroneer PPF, menée sur 1 180 patients souffrant de fibrose pulmonaire — âge médian 66 ans, capacité vitale forcée (CVF) moyenne de 70 — les sujets ont été stratifiés sur la prise ou pas de nintédanib et randomisés en trois bras : nerandomilast 9 mg x2/j, nerandomilast 18 mg x2/j, ou placebo. Leur durée moyenne de traitement est autour de 14 mois.
À 1 an de suivi, la différence ajustée de CVF (critère primaire) était de 67 ml dans le bras nerandomilast 18 mg versus bras placebo et de 81 ml dans le bras 9 mg (p < 0,001 pour les deux dosages). Et cette réduction du déclin de la fonction pulmonaire est retrouvée dans tous les sous-groupes, indépendamment des autres traitements médicamenteux associés.
L’étude n’a néanmoins pas réussi à mettre en évidence de différence entre les bras sur le critère composite, associant délai de survenue de la première exacerbation, hospitalisations pour cause respiratoire et décès. Mais, de façon intéressante, le traitement est associé à un recul de la mortalité à 1 an, avec des réductions relatives respectivement de 52 % pour le bras à 18 mgx2/j (RR = 0,48 [0,30-0,79]) et de 40 % pour le bras à 9 mgx2/j (RR = 0,60 [0,38-0,95]). Résultat, le nerandomilast, en attente d’AMM, est d’ores et déjà disponible en accès compassionnel.
« Ce recul de la progression de la maladie pulmonaire, associé à un effet sur la mortalité représente une avancée importante, en particulier chez les patients continuant à progresser sous antifibrosant de première génération. C’est pourquoi on s’achemine vers diverses assoications de traitement, en particulier dans les PID progressives. Des associations qui méritent d’être discutées en réunion multidisciplinaire, comme nous le faisons au sein de notre centre de référence du réseau national Orphalung », note la Pr Uzunhan.
Une prise en charge globale
« Mais attention, au-delà du traitement spécifique de la fibrose pulmonaire, les PID nécessitent une prise en charge globale, souligne la Pr Uzunhan. C’est pourquoi il ne faut pas oublier, côté pulmonaire, la réhabilitation respiratoire, l’activité physique adaptée et la prévention du risque infectieux, impliquant les vaccinations anti grippale, anti-Covid, anti-zona, anti-VRS et antipneumocoque, fondée aujourd’hui sur Prevenar 20, avec l’avantage de ne nécessiter qu’une seule injection. »
Entretien avec la Pr Yurdagül Uzunhan (CHU Avicenne) Centre de référence des maladies pulmonaires rares de l’adulte, site constitutif du réseau Orphalung, filière Respifil et Centre de compétence des maladies auto-immunes systémiques rares de la filière Fai2R
(1) Johnson SR et al. Arthritis Care Res. août 2024;76(8):1051‑69
(2) Antoniou KM et al. Eur Respir J. 11 sept 2025;2500896
(3) Raghu G et al. Am J Respir Crit Care Med. 1 mai 2022;205(9):e18‑47
(4) Flaherty KR et al. N Engl J Med. 31 oct 2019;381(18):1718‑27
(5) Distler O et al. N Engl J Med. 27 juin 2019;380(26):2518‑28
(6) Richeldi L et al. N Engl J Med. 12 juin 2025;392(22):2193‑202
(7) Maher TM et al. N Engl J Med. 12 juin 2025;392(22):2203‑14
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