Une étude menée en Belgique et publiée dans Nature Communications (1) lance un pavé dans la mare. Elle montre que le placenta n'échappe pas à la pollution ambiante. Des traces de carbone suie ont été retrouvées après l'accouchement dans les placentas de femmes non fumeuses. Reste à savoir si ces particules, qui s'accumulent du côté fœtal du placenta, ont des conséquences sur la santé du fœtus. Cela, alors qu'il a déjà été largement montré que la pollution de l'air modifie le poids de naissance (hypotrophie) et favorise la prématurité, sans que l'on sache exactement comment.
Des mères de la cohorte Environage (Environnemental influence on ageing in early life)
Les plasmas testés sont en majorité collectés dans les 10 minutes après la naissance. À chaque fois, quatre biopsies ont été réalisées sur la face fœtale du placenta plus une sur la face maternelle. Pour tester la corrélation entre le taux de particules placentaires et l'exposition à la pollution, les auteurs ont sélectionné 10 mères hautement exposées et 10 mères peu exposées, toutes non fumeuses. S'y ajoutent 5 placentas congelés de femmes aussi non fumeuses ayant accouché prématurément entre la 12e et la 31e semaine, sans données d'exposition. Toutes les biopsies ont été analysées par la même méthode d'imagerie laser hautement sensible et spécifique selon les auteurs.
Du carbone suie dans tous les placentas y compris à 12 semaines
Les résultats sont sans appel. Du carbone suie est présent dans tous les placentas y compris dès la 12e semaine de grossesse. Quand on se concentre sur les 20 femmes de la cohorte arrivées à terme, les données montrent que les taux de particule carbone suie présents dans le placenta sont significativement corrélés à l'exposition moyenne enregistrée à leur domicile durant les mois de grossesse. Pour les auteurs « ce travail apporte la preuve que des particules issues de l'air ambiant viennent se loger dans le placenta. Ce qui suggère que le fœtus y est exposé durant la période la plus critique de sa vie (...). En revanche, la translocation possible de ces particules vers le fœtus reste à prouver, soulignent-ils. Si c'était le cas nous aurions une possible explication à l'impact délétère de la pollution sur le fœtus, au-delà de ses effets pro-inflammatoires chez la mère en réponse à leur accumulation pulmonaire. »
Quelles implications cliniques ?
En 2018, une étude de l'Inserm estimait que, en France en 2012, la pollution atmosphérique aux particules avait été responsable de près de 8 000 bébés hypotrophes dont un quart allait souffrir de déficience intellectuelle (2). Un autre travail de l'Inserm et du CNRS a mis la même année en évidence, sur une cohorte de presque 700 femmes, que l'exposition à la pollution était associée à des modifications épigénétiques au niveau placentaire. De hauts taux de dioxyde d’azote – gaz issu des processus de combustions automobiles, industrielles et thermiques – étaient liés en particulier à la méthylation d'un gène associé à la prééclampsie (3). Cette année, une étude franco-espagnole a mis en évidence que les enfants de mère exposée durant leur grossesse à un mélange de polluants chimiques avaient un surrisque de fonction respiratoire réduite (4). Aujourd'hui ce travail belge montre pour la première fois que les particules – ici le carbone suie – peuvent migrer du poumon au placenta. Retrouvée côté fœtus, elles ont donc aussi traversé le placenta.
Le placenta les retient-il comme le veut sa fonction ? Nul n'en sait rien à ce jour. Si ce n'est pas le cas, alors l'impact de la pollution sur le fœtus va au-delà de l'impact médié par la mère. Ce qui porte sérieusement à réfléchir.
(1) Bové H et al. Ambient black carbon particles reach the fetal side of human placenta. Nature Communications 2019; 10, Article number: 3866.
(2) Rafenberg C, Annesi-Maessano. Coûts de l’hypotrophie par retard de la croissance intra-utérine (RCIU) attribuable à la pollution atmosphérique en France. Archives de Pédiatrie 2018;25:256-62.
(3) Pregnancy exposure to atmospheric pollution and meteorological conditions and placental DNA methylation. Environment International 2018;118:334-347
(4) Agier L et al. Early-life exposome and lung function in children in Europe: an analysis of data from the longitudinal, population-based HELIX cohort. The Lancet Planetary Health 2019; 2:e81-e92
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