Selon les premières données de Santé publique France, il y a eu entre 200 et 260 passages par jour aux urgences entre le 11 et le 17 juillet, dont près de la moitié concernait des personnes de plus de 75 ans, et 100 à 160 hospitalisations par jour en lien avec le pic de chaleur. Ces chiffres sont la partie émergée des conséquences sanitaires des canicules qui se multiplient en France, et dont les premières victimes sont les patients atteints de pathologies respiratoires. C'est ce que détaille le Dr Frédéric Le Guillou, pneumologue et président de l'association Santé Respiratoire France.
LE QUOTIDIEN : Que sait-on de l'impact des canicules successives sur la santé respiratoire des Français ?
Dr FRÉDÉRIC LE GUILLOU : C'est un problème en France, nous n'avons pas d'outil qui nous permette de le mesurer d'un point de vue épidémiologique. Les hospitalisations pour exacerbation d'asthme ou de bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO) disposent pourtant de leurs propres codes PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d'information, NDLR), il serait donc facile pour Santé publique France de mener des enquêtes épidémiologiques.
Ce qui est certain, c'est que les canicules suscitent des mécanismes d'homéothermie qui concourent toujours à une déshydratation de l'arbre bronchique, à une sécheresse muqueuse et à un traumatisme de la muqueuse avec l'apparition de brèches. Cela exacerbe la BPCO et l'insuffisance respiratoire. Cela peut aussi augmenter le risque de crise d'asthme, même si c'est moins fréquent. Je n'ai personnellement jamais vu le même phénomène avec la mucoviscidose, mais il n'y a médicalement pas de raison que ça n'existe pas également.
Ces phénomènes se conjuguent avec la forte augmentation de la pollution, à l'ozone notamment, qui accompagne les fortes chaleurs, ainsi qu'aux autres aéro-contaminants : pollens, pesticides, produits phytosanitaires, etc.
Que peuvent faire les malades et leur médecin face à une telle situation ?
Il faut commencer par appliquer quelques conseils : fermer les fenêtres et les volets pendant la journée, s'hydrater et utiliser un ventilateur. Quand ils sortent, les patients peuvent se protéger des aérocontaminants avec un masque FFP2, et ceux qui le peuvent doivent télétravailler.
Une mesure importante qui n'est pourtant pas toujours prise : les patients doivent, en amont des épisodes de canicules, discuter d'un pan d'action avec leurs pneumologues. Il s'agit de décider à l'avance de la stratégie médicamenteuse à adopter sans que le patient ait à consulter. Par exemple, cela consiste à dire au patient dans quelle mesure il peut augmenter les doses de son traitement de fond, et pour combien de temps, afin de contrer les effets de la chaleur, avec des prescriptions préparées en avance.
Une autre chose très importante à prendre en compte est qu'un certain nombre de thérapies inhalées peuvent entraîner des sécheresses buccales. Bien se rincer la bouche est donc primordial. Les personnes sous oxygénothérapie, ou appareillées pour une apnée du sommeil, sont aussi particulièrement exposées au risque de déshydratation. Elles doivent doubler la quantité d'eau bue. Il existe également des humidificateurs adaptables aux systèmes d'oxygénothérapie que l'on n'utilise normalement pas pour le faible débit mais qui peuvent l'être le temps des fortes chaleurs.
Nous avons des exemples récents d'incendies monumentaux en France. S'agit-il là aussi d'un risque nouveau à prendre en compte ?
Il faut garder en tête qu'il existe deux types de fumées : les fumées noires, qui contiennent des benzènes, du cyanure et du monoxyde de carbone et qui peuvent être responsables d'asphyxies, et les fumées blanches, qui contiennent des microparticules PM10 et PM2,5. Ce sont ces dernières qui pénètrent les alvéoles puis la circulation sanguine où elles provoquent un important stress oxydatif. Leur dangerosité ne dépend pas de la distance avec le feu mais de la direction du vent.
Ces pics de pollution sont impressionnants, mais ils ne doivent pas masquer le bruit de fond permanent. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire que médecins et patients aient toujours un œil sur les données des organismes de mesure de la qualité de l'air Atmo et Airparif.
Le problème est que l'on ne mesure que ce que l'on cherche : Il a fallu attendre le quatrième plan national Santé-Environnement pour pouvoir enfin mesurer les pesticides. Les pouvoirs publics ont des progrès à faire en matière d'exhaustivité et de communication : tous les Français connaissent la météo et la température de l'eau à côté de chez eux, ils doivent aussi connaître la qualité de l'air.
Vous attendez-vous à ce que la prévalence des pathologies respiratoires augmente avec le réchauffement climatique ? Les pneumologues sont-ils assez nombreux pour y faire face ?
La pollution et la hausse des températures vont faire que nous aurons plus de malades et qu'ils seront plus sévères. On estime actuellement que 3,5 millions de Français sont atteints de BPCO, mais on est sans doute plus proche de 5 millions. Pour y faire face, il faut ouvrir le nombre de postes à l'internat et faire entrer des pneumologues dans les organes de décision : il n'est pas normal qu'on nous ait si peu consultés au cours de la crise Covid par exemple.
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