« Il faut trouver les racines de ce déclin fondamental de la santé de la nation ! » Le cri d’alerte, poussé par le Dr Christopher Forrest et son équipe du centre de recherche clinique de l’hôpital pour enfants de Philadelphie, en Pennsylvanie, résume leurs résultats sur la santé pédiatrique aux États-Unis, issus de diverses sources de données nationales.
Comparée à la situation des 18 autres pays à haut revenu de l’OCDE, la santé des enfants américains s’est détériorée au cours de ces 17 dernières années, avec une augmentation de l’incidence annuelle de la mortalité et de la prévalence des pathologies chroniques, des troubles du développement et des troubles psychiatriques.
Pour ce travail publié dans le Jama, les chercheurs se sont appuyés sur cinq enquêtes nationales et sur les données de 10 registres pédiatriques. Ils ont calculé qu’entre 2007 et 2022, les enfants de moins d’un an avaient 78 % de risque de décès de plus aux États-Unis que dans les autres pays de l’OCDE, et les jeunes de 1 à 19 ans, 80 % de risque de décès en plus. Les deux causes majeures de décès chez les moins de 12 mois étaient la prématurité (2,2 fois plus fréquente aux États-Unis) et la mort subite (2,4 fois plus). Chez les enfants plus âgés, l’hécatombe se poursuit avec pour causes principales les morts par armes à feu (15,3 fois plus fréquentes) et les accidents de la circulation (2,4 fois plus).
La mortalité repart à la hausse
Plus inquiétant encore, alors que la mortalité des enfants des autres pays de l’OCDE diminue régulièrement depuis le début de la période étudiée, la mortalité des enfants de moins d’un an connaît un rebond aux États-Unis depuis 2020, passant de 529 à 562 décès pour 100 000 habitants. Chez les jeunes de 1 à 19 ans, le rebond a commencé plus tôt : entre 2016 et 2022, le taux de mortalité de cette classe d’âge est passé de 24 à 30 décès pour 100 000 personnes. À titre de comparaison, en 2022, la France (qui fait partie des 18 pays de l’OCDE retenus par l’étude) affichait 383 décès pour 100 000 enfants de moins d’un an et 14,5 décès pour 100 000 enfants de 1 à 19 ans.
L'écart de mortalité transnational qui existait entre 2007 et 2022 a coûté la vie à près de 316 000 jeunes américains de moins de 20 ans.
Entre 2011 et 2023, la prévalence des maladies chroniques chez les enfants de 3 à 17 ans est passée de 39,9 à 45,7 %. Les troubles en question étaient l’obésité, les règles précoces, les troubles du sommeil, les symptômes dépressifs, l’autisme, les troubles du comportement, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) ou les troubles du langage. Les pathologies qui ont le plus augmenté sont la dépression sévère (3,3 fois plus fréquente en 2023 qu’en 2010), l’apnée du sommeil (3,22 fois plus), et les troubles du comportement alimentaire (3,2 fois plus). Quelques contre-exemples tels que l’asthme ont vu leur prévalence reculer. Ces chiffres cachent une disparité ethnique et géographique : le syndrome d'insuffisance respiratoire aiguë, la prématurité et les morts par armes à feu sont 3 à 4 fois plus fréquents chez les jeunes Noirs non hispaniques que chez les jeunes Blancs non hispaniques.
L’administration Trump s’attaque au problème… et c’est probablement pire
« La santé des enfants constitue le fondement de la santé et de la prospérité d’une nation », alertent non sans emphase les auteurs. En 2024, un premier rapport des académies nationales américaines des sciences, de l’ingénierie et de la médecine sonnait déjà le tocsin : « Les États-Unis font face à une crise majeure avec une santé et un bien-être des enfants de mauvaise qualité et en aggravation. » En mai 2025, l’administration Trump, et en particulier son controversé secrétaire à la santé Robert F. Kennedy Jr. a mis en place une « commission présidentielle pour rendre l’Amérique de nouveau saine » (« Make America Healthy Again ») dont le premier rapport a également appelé à mieux comprendre les racines du déclin de la santé des enfants américains.
Mais si l'administration Trump attire l'attention sur les maladies chroniques et leurs causes principales, telles que les aliments ultratransformés, elle pratique dans le même temps des coupes budgétaires au ministère de la Santé et des Services sociaux qui ont entraîné la suppression de programmes pour la santé maternelle et infantile et pour la prévention des blessures. Par exemple, la campagne Safe to Sleep, qui s'attaque à la principale cause évitable des troubles de l'alimentation et de l'alcoolisme et de la toxicomanie a été annulée.
À cela il faut ajouter les réductions proposées dans Medicaid dans le texte budgétaire adopté par le Sénat le 1er juillet et par la Chambre des représentants le 3 juillet (le « One Big Beautiful Bill Act ») ainsi que la réorganisation prévue des agences chargées de répondre à la crise de santé mentale chez les jeunes. L’administration des services de psychiatrie et de toxicomanie va ainsi se réduire et être intégrée à « l’administration pour une Amérique en bonne santé ». L'Institut national Eunice Kennedy Shriver pour la santé infantile et le développement humain devrait, lui, être intégré à un autre, supprimant ainsi le seul organisme de recherche consacré à ce domaine.
Une couverture santé inefficace
Dans un éditorial associé, la Dr Elizabeth Wolf, du département de pédiatrie de l’université du Commonwealth de Virginie, à Richmond, pose la question : « Comment avons-nous pu abandonner nos enfants ? » Pour expliquer l'augmentation de la mortalité pédiatrique aux États-Unis qui s'est produite après 2020, la Dr Wolf et ses collègues avancent des pistes : « L'augmentation de la mortalité par troubles du sommeil pourrait refléter l'influence du Covid-19 ou d'autres virus respiratoires, la consommation d'opioïdes par la mère et les habitudes de sommeil des nourrissons, expliquent-ils. L'accès accru aux armes à feu a probablement contribué à la hausse de la mortalité liée aux armes à feu. L'utilisation croissante des smartphones et des réseaux sociaux pourrait expliquer l'augmentation de plusieurs des maladies chroniques identifiées par l’équipe de Forrest, telles que les troubles du sommeil, la solitude et la dépression. »
Et de dénoncer aussi « un système d'assurance-maladie fragmenté (qui) n'est pas d'une grande aide pour les familles de la classe moyenne inférieure […] : 40 % des enfants bénéficiant d'une assurance maladie publique ont un accès limité aux soins primaires et spécialisés en raison de faibles taux de remboursement et du faible investissement national dans les soins primaires. Même les pays à revenu intermédiaire comme le Costa Rica obtiennent de meilleurs résultats que les États-Unis grâce à l'importance accrue qu'ils accordent à la prévention des maladies », tranchent-ils sans concession.
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