En matière de consommation d’antibiotiques, la France fait toujours partie des mauvais élèves... Il s’agit en effet du 4e plus gros consommateur d’antibiotiques en Europe, derrière la Grèce, la Roumanie et la Belgique, « et ça persiste dans le temps », remarque le Dr Cohen, pédiatre infectiologue à l’hôpital intercommunal de Créteil, qui a présenté quelques données sur la consommation et la prescription d’antibiotiques, lors des premières « Journées de réflexion pluridisciplinaires pour le développement de nouveaux antibiotiques », organisées cette semaine par le laboratoire MSD à Paris. Et les chiffres de l’ANSM l’attestent, la consommation d’antibiotiques est à la hausse depuis 2010.
Les raisons pour la « surprescription » sont multiples ; pression des patients, défaut de formation des médecins, minimisation des effets indésirables (l’évolution des résistances reste invisible), mais elles sont également liées à l’absence de recul sur le suivi des patients dans certaines spécialités, et à l’incertitude diagnostique, qui s’accompagne généralement d’une prescription d’antibiotiques « par prudence, mais une fausse prudence », note le Dr Cohen, qui déplore l’utilisation encore limitée des tests de diagnostic rapide (TDR) en médecine de ville.
Les pédiatres sortent du lot
Une profession cependant se distingue, la pédiatrie. « La prescription pédiatrique n’a pas cessé de baisser depuis le plan antibiotique. Alors qu’avant les jeunes enfants consommaient 3 à 4 fois plus d’antibiotiques que les adultes, la prescription a baissé pour rejoindre le niveau des adultes, même si les enfants tombent malades 3 fois plus souvent, commente le spécialiste. Ce dernier fait valoir, par exemple, que les prescriptions d’antibiotiques pour soigner – à tort – les rhinopharyngites ont fortement diminué. En revanche, le traitement par antibiotique des bronchites (non recommandé) reste élevé, et l’arrivée des TDR n’a eu qu’un effet très modeste sur l’utilisation d’antibiotiques pour traiter les angines.
La diminution des prescriptions d’antibiotiques est attribuable, en grande partie, à une baisse des consultations pour certaines pathologies infectieuses respiratoires en pédiatrie, révèle-t-il. « Quand on ne propose pas d’antibiotique à un patient qui consulte pour certains symptômes, il aura tendance à ne pas revenir consulter quand ces mêmes symptômes réapparaissent. » Selon le Dr Cohen, les parents consultent moins qu’avant pour les pathologies infectieuses respiratoires de leurs bambins.
Les urgentistes pointés du doigt
Le Dr Cohen relève par contre la hausse notable des prescriptions d’antibiotiques aux urgences. « Quand on regarde dans les patients hospitalisés, plus d’une antibiothérapie sur deux a été initialisée aux urgences, précise-t-il. Les médecins de villes et les pédiatres ont de la profondeur de champs, ils peuvent revoir les patients donc offrir des antibiotiques en différé, mais ce n’est pas le cas aux urgences. » Or, conclut-il : « On sait très bien que si on veut avoir aujourd’hui une efficacité sur la formation des étudiants en médecine, c’est bien aux urgences qu’il faut travailler. »
60 000 décès par an
Or, après une croissance continue mais modérée des résistances aux antibiotiques, on assiste dorénavant à une croissance « exponentielle » d’après la Fédération hospitalière de France (FHF). Quelques chiffres avancés par la fédération au mois de mai : on estime à 60 000 les décès annuels en Europe et aux États-Unis causés par des bactéries multirésistantes, et le coût pour la société est estimé à 100 000 milliards de dollars à l’horizon 2050.
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