C’est en 2019 qu’OphtaMaine a été créé sous la forme d’un groupement d’intérêt économique (GIE) par trois ophtalmologues libéraux exerçant au Mans. « Nous pratiquions déjà les protocoles organisationnels avec les orthoptistes au sein de notre cabinet mais nous avons décidé d’aller plus loin et d’exercer, toujours en nous appuyant sur ces délégations de tâches, dans des territoires ruraux qui sont de véritables déserts médicaux », explique le Dr Renaud Laballe, cofondateur et président du groupe OphtaMaine.
Le principe ? Des « postes avancés d’ophtalmologie » (PAO) déployés en milieu rural dans des locaux loués par le GIE où, chaque jour, des orthoptistes, en majorité salariés, reçoivent des patients pour des examens et bilans visuels complets ; leurs dossiers sont ensuite analysés en télé-expertise par les ophtalmologues du réseau, via un serveur interne sécurisé. Et à la moindre anomalie (tension oculaire élevée, fond d’œil suspect, etc.), les ophtalmos – généralistes ou hyperspécialisés – présents une à deux fois par semaine sur place reçoivent en consultation les patients concernés. Dans le cadre de ce dispositif ainsi fondé sur les délégations d’actes systématiques vers les orthoptistes puis la télé-expertise et des vacations ponctuelles, les spécialistes libéraux restent de leur côté rémunérés à l’acte.
L’activité médicale et chirurgicale est aussi intellectuellement plus stimulante compte tenu de la variété des pathologies
Dr Paul Denys, spécialiste parisien de la rétine, membre du réseau
Côté patients, lors d’une consultation au sein d’un PAO, l’examen réalisé par l’orthoptiste est remboursé par l’Assurance-maladie (20,80 euros) mais l’expertise du praticien en visio reste à la charge de l’assuré (un « forfait d’analyse médicale » tarifé à 23 euros). « Le reste à charge de 23 euros lié à la télé-expertise en PAO doit être vu comme une opportunité, ou un passeport d’accès local à l’ophtalmologie. C’est un coût bien moindre que les dépenses cachées qu’impose aujourd’hui le parcours classique », avance le groupe.
Temps médical optimisé
Malgré son caractère ponctuellement chronophage en termes de déplacements dans des zones rurales, le mode d’exercice séduit des médecins spécialistes. « Les patients partagent des témoignages gratifiants et de notre côté, le temps médical est très optimisé, concentré sur le dépistage et le traitement des pathologies. Enfin, nous avons développé des vacations opératoires intéressantes en termes d’exercice », souligne le Dr Renaud Laballe.
« Le serment d’Hippocrate prend tout son sens dans les déserts médicaux, complète le Dr Paul Denys, spécialiste parisien de la rétine, membre du réseau. L’activité médicale et chirurgicale est aussi intellectuellement plus stimulante compte tenu de la variété des pathologies. Nous reconvoquons systématiquement les patients qui en ont besoin dans un délai de moins de quinze jours et prenons en charge toutes les urgences sans dépassement d’honoraires. Je peux recevoir un patient le matin en consultation et l’opérer l’après-midi ». Selon le plateau technique requis, les interventions chirurgicales se déroulent au pôle Santé Sud du Mans ou dans des centres hospitaliers plus petits, en proximité. « Ces établissements sont venus vers nous pour proposer leurs blocs hospitaliers car notre activité garantit aussi leur pérennité », assure le praticien qui exerce lui-même à mi-temps à la Fondation Rothschild à Paris et qui se déplace chaque semaine depuis un an au Mans et à Nogent.
Six ans après sa création, OphtaMaine peut s’enorgueillir d’un bilan prometteur : sept cabinets ont été ouverts et quelque 60 salariés y exercent dont une majorité de soignants – ophtalmologistes, orthoptistes, optométristes et infirmières. Environ 90 000 patients sont pris en charge chaque année, dont 55 000 en postes avancés. Avec comme seule aide publique à ce jour, la mise à disposition d’un local par la mairie d’un village isolé. Les frais (locations de locaux par exemple) sont assumés par les médecins eux-mêmes.
Un modèle duplicable ?
Convaincus que la délégation de tâches représente une solution en termes de dépistage précoce et de soins dans les zones les plus isolées, les deux ophtalmos veulent croire à l’essor de ce modèle dans d’autres spécialités. « Les généralistes pourraient par exemple soigner deux à trois fois plus de patients en s’appuyant sur les infirmières de pratique avancée, avance le Dr Laballe. C’est en tout cas la conclusion à laquelle nous sommes parvenus lorsque nous comparons notre exercice à celui de l’ancien schéma de l’ophtalmologue isolé. J’ai aussi beaucoup échangé avec un collègue dermato qui propose à des infirmières de lui adresser, en cas de doute, des photos de lésions mais il ne se déplace pas ».
Mais l’enjeu des délégations se confronte à des arbitrages politiques et budgétaires. « Deux questions devront être traitées pour que notre modèle soit duplicable dans d’autres spécialités, reconnaît le Dr Paul Denys : qu’est-il possible de déléguer exactement et avec quelle rémunération ? Aucun poste avancé ne peut fonctionner à perte ».
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