« L'exposition cumulée aux vagues de chaleur a des effets constants et négatifs sur le vieillissement », résume une étude réalisée à Taïwan et parue ce 25 août dans la revue Nature Climate Change. Son originalité tient à la durée du suivi de la cohorte composée de près de 25 000 (24 922) adultes : 15 ans (2008 – 2022). Jusqu’à présent, la littérature médicale se concentrait sur les effets de la chaleur dans l'immédiat ou à court terme : déshydratation, hyperthermie puis, plus largement, troubles cardiovasculaires et respiratoires, problème de santé mentale, sommeil perturbé…
« C'est nouveau pour moi, je n’ai jamais vu un papier comparable », salue le Pr Yves Rolland, interniste et gériatre, qui dirige à Toulouse l’IHU HealthAge spécialisé dans les recherches sur le vieillissement. « Quel que soit l'âge, on voit qu'il y a une conséquence sur le vieillissement ; je ne suis pas sûr que tout le monde ait conscience de ça », remarque-t-il.
Vulnérabilité plus grande des travailleurs manuels et ruraux
Dans cette étude, les quelque 24 000 participants ont subi une dizaine de tests afin d'estimer leur niveau de vieillissement : fonction hépatique (taux d'albumine), pression sanguine, volume expiratoire maximal par seconde (VEMS)… Le but était d'évaluer l'écart entre leur âge réel (chronologique) et leur âge biologique, et l’accélération de ce dernier.
Les chercheurs ont ensuite croisé ces données avec le lieu de résidence des patients, pour évaluer à quel point ils avaient été exposés à la chaleur au cours des années précédentes.
Résultat : plus la personne a connu de fortes températures, plus son âge biologique dépasse son âge réel. Ainsi, pour le quart de personnes les plus exposées à la chaleur, la vitesse du vieillissement semble s'accroître d'environ 3 % par an. « C'est relativement faible mais c'est assez comparable à d'autres facteurs de risque comme le fait d'avoir une mauvaise alimentation ou faire peu d'exercice, commente le Pr Rolland. Et ça touche tout le monde. » La durée des épisodes de chaleur se révèle être un facteur déterminant de l’accélération de l’âge, plus que la fréquence (qui joue seulement pour les températures les plus hautes), tandis que l’effet de l’intensité semble peu significatif.
L'étude conclut toutefois à des effets plus ou moins marqués selon les personnes : les plus touchées seraient les travailleurs manuels, les habitants de zones où la climatisation est moins répandue, et les habitants des campagnes.
Un plaidoyer pour adapter les politiques publiques
Si ce travail donne des pistes importantes pour mieux étudier les effets durables de la chaleur, il faut pour l'heure prendre ses conclusions avec précaution. D'abord, il n'y a pas de consensus sur un ensemble précis d'indicateurs qui déterminerait l'âge biologique d'une personne : il y a forcément une part d'arbitraire dans les critères retenus. Ensuite, la méthodologie ne permet qu'une estimation assez grossière du niveau auquel les patients ont subi de fortes chaleurs.
Surtout, les conclusions sont limitées par le fait que l'étude a été menée dans un seul pays, à la superficie assez réduite. « Comme l'étude est circonscrite aux habitants de Taïwan, ses résultats ne peuvent pas forcément être généralisés à d'autres régions et d'autres populations, en particulier sous des climats différents », prévient le professeur australien Paul Beggs, spécialiste en santé environnementale, dans un commentaire publié dans le même numéro de Nature Climate Change.
Reste que cette étude « améliore notre compréhension des effets sanitaires des vagues de chaleur », conclut-il, jugeant qu'elle « met en évidence une corrélation importante » entre vieillissement et températures élevées. Elle va notamment dans le sens d’une autre étude – de moindre ampleur – publiée début 2025 dans Science Advances, qui concluait à un effet de la chaleur sur le vieillissement de patients américains, à partir d'indicateurs différents. Autant de données scientifiques qui mettent en évidence la nécessité d’adapter les politiques publiques aux vagues de chaleur, en prenant en compte les populations les plus vulnérables.
Près de 300 passages aux urgences par jour lors de la canicule en août
Entre le 11 et le 17 août, le nombre de passages aux urgences pour l’indicateur iCanicule a atteint un pic, allant de 237 à 286 par jour, selon le dernier bulletin de Santé publique France. Entre 120 et 170 de ces passages ont été suivis d’une hospitalisation, en majorité (60 %), des personnes de 75 ans et plus. Les augmentations sont aussi fortes chez les 15-74 ans, principalement pour des hyperthermies/coup de chaleur. Lors du premier épisode de chaleur fin juin-début juillet, un pic avait été enregistré avec près de 600 passages aux urgences le 1er juillet.
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