C’est un débat qui court depuis plusieurs années. Faut-il dépister systématiquement l’infection à cytomégalovirus (CMV) chez les femmes enceintes ? La Haute Autorité de santé (HAS) répond oui, pour toutes les femmes dont le statut sérologique est inconnu ou négatif, et en prévoyant une réévaluation de la recommandation au bout de trois ans, à la lumière des données qui auront été collectées. Une position à rebours de celle du Haut Conseil de la santé publique, qui s’est prononcé contre la mise en œuvre d’un dépistage systématique en 2018 puis en 2023, faute d’éléments suffisants pour en démontrer le bénéfice, avait estimé l’instance.
L’infection à CMV, en cas de contact direct avec des liquides biologiques contaminés (salive, sécrétions respiratoires ou cervicovaginales, urines, larmes, sperme et lait maternel) est bénigne dans la majorité des cas (90 %), tant pour la femme que le fœtus. En France, 46 % des femmes de 15 à 49 ans ont déjà été en contact avec le CMV, voire 90 % en outre-mer. Cependant, si elle est contractée pendant la grossesse, notamment au début, cette infection peut provoquer chez le bébé à naître des séquelles lourdes, telles que des troubles auditifs (unilatéraux ou bilatéraux) et neurologiques (troubles vestibulaires, retard global du développement, formes de paralysie).
Un test de détection et un traitement disponible
Jusqu’à présent, les recommandations françaises ne préconisaient pas de dépistage systématique du CMV pendant la grossesse. Dans les faits, il est réalisé chez environ un tiers des femmes enceintes, et ce de manière hétérogène, ce qui induit des inégalités de prise en charge selon les territoires.
Saisie par le ministère de la Santé, la HAS a pris en compte le fardeau que représente l’infection par le CMV au cours de la grossesse, les inégalités de dépistage et l’existence d’un test de détection et d’un traitement pouvant limiter la transmission au fœtus. Pour rappel, grâce à une prise de sang visant à rechercher les anticorps (IgG et IgM) et des tests d’avidité, il est possible d’évaluer le statut immunitaire d’une femme et de distinguer une primo-infection récente (cas dans lequel le risque de transmission du CMV au fœtus est le plus élevé) d’une infection ancienne. Dans le premier cas, le valaciclovir, seul traitement médicamenteux actuellement disponible, peut être proposé pour limiter la transmission au fœtus en cas de séropositivité maternelle. Si les données disponibles ne montrent aucun signal de tératogénicité, des incertitudes persistent quant à l’ampleur de son efficacité sur la réduction du risque de séquelles.
Dans ce nouvel avis, la HAS recommande de mettre en place un dépistage systématique de toutes les femmes enceintes dont le statut sérologique est inconnu ou négatif. Gage accordé au HCSP : cette mesure devra faire l’objet d’une réévaluation au terme de trois années de mise en œuvre, afin d’en apprécier la pertinence et d’envisager éventuellement sa reconduction. La HAS suggère notamment d’approfondir les connaissances sur la sécurité et l’efficacité du valaciclovir, la performance de la séquence de tests de détection du CMV, et plus largement, l’épidémiologie du CMV.
Un dépistage au premier trimestre de grossesse
Le dépistage devra être réalisé au premier trimestre de grossesse chez les femmes enceintes séronégatives ou de statut sérologique inconnu. La HAS préconise de ne recourir qu’à des tests d’avidité IgG avec des seuils minimaux de performance en matière de sensibilité et de spécificité de 95 % dans le cadre de la séquence actuellement utilisée (IgM, IgG, avidité IgG).
En cas de primo-infection récente, les patientes devront être sensibilisées au maintien d’une hydratation suffisante et à l’administration du traitement par valaciclovir en plusieurs doses réparties sur 24 heures afin d’éviter l’apparition de potentiels effets secondaires rénaux. L’administration concomitante de médicaments potentiellement néphrotoxiques devra être évitée. Et une surveillance obstétricale adaptée est recommandée à titre de sécurité.
Enfin la HAS souligne la nécessité d’accompagner le déploiement de ce dépistage systématique, de réorganiser les pratiques, de former les professionnels de santé, et d’harmoniser les protocoles pour le suivi des femmes enceintes à risque.
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