Peu de possibilités de traitements existent actuellement contre le virus de l’hépatite D (VHD), mais de nouveaux travaux semblent indiquer que l’association de l’anticorps monoclonal tobévibart et du petit ARN interférent élebsiran, pourrait guérir la moitié des patients et que le tobévibart seul aussi est efficace. Tels sont les résultats de l’étude de phase 2 Solstice récemment publiée dans le New England Journal of Medicine. Les deux molécules n’ont pas le même mode d’action, mais elles partagent le même but : bloquer l’action de l’antigène de surface du virus de l’hépatite B (VHB).
L’infection par le VHB est en effet un prérequis pour l’infection par le VHD, à tel point que les patients coinfectés chez qui le VHB est éliminé sont également débarrassés du VHD. Seulement voilà : « les séroconversions sont très rares, explique le Pr Tarik Asselah, du département d’hépatologie de l’hôpital Beaujon (AP-HP), où de nombreux essais thérapeutiques sont menés sur les différentes formes d’hépatite. Le ténofovir et l’entécavir empêchent la prolifération du virus de l’hépatite B, mais ils n’ont pas d’action sur le virus de l’hépatite D qui a besoin de très peu d’enveloppes du VHB pour se multiplier. » Les patients atteints d’hépatite B-Delta présentent un risque de cirrhose et de carcinome hépatocellulaire accru comparés à ceux atteints d’hépatite B, aussi existe-t-il un intérêt à éliminer le VHD même si le VHB persiste.
À l’origine l’association tobévibart/élebsiran était développée pour traiter à la fois les infections par les virus de l’hépatite B et D, mais « c’est contre le VHD qu’elle s’est révélée le plus intéressante », précise le Pr Asselah qui a coordonné l’étude internationale de phase 2 Solstice. Les investigateurs ont recruté 64 patients de 18 à 70 ans, infectés depuis au moins 6 mois avec une réplication du VHD, et présentant des taux d’alanine aminotransférase (ALAT) supérieurs à la normale.
Ces malades ont été répartis entre un groupe recevant l’association de tobévibart et d’élebsiran toutes les 4 semaines et un groupe sous monothérapie de tobévibart toutes les deux semaines. Au bout de 24 semaines, une réponse au traitement (diminution de la charge viralevirale > 2 log par rapport à la charge virale initiale) était observée chez 100 % des patients recevant l’association tobévibart/élebsiran et 82 % chez ceux recevant la monothérapie tobévibart. Par ailleurs, une normalisation du taux d’ALAT se retrouve chez 47 % des patients sous bithérapie, et chez 76 % des patients sous monothérapie de tobévibart.
Environ la moitié des patients sans infection détectable
Au bout de 48 semaines, ces résultats se sont confirmés : l’ARN viral était indétectable chez 66 % de patients sous bithérapie et 48 % des patients sous monothérapie tobévibart. La normalisation des taux d’ALAT était observée chez 56 % des patients du groupe sous bithérapie, et 61 % des patients sous monothérapie. Le taux d’effets secondaires était faible dans les deux groupes : 19 et 6 % respectivement. Il s’agissait d’effets peu importants tels que des symptômes grippaux transitoires.
Pour les auteurs de l’étude, ces données font de l’association tobévibart/élebsiran et de la monothérapie tobévibart deux nouvelles options intéressantes à explorer dans le traitement de l’hépatite D, bien qu’il semble plus fréquent d’obtenir une charge virale indétectable avec l’association. « Une charge virale indétectable est désormais reconnue comme étant le critère le plus important lors de l’évaluation d’un traitement de l’infection par le VHD », insistent les chercheurs, même si cela n’est pas toujours corrélé à la normalisation des transaminases.
Une alternative au bulévirtide
Actuellement, seul le bulévirtide a obtenu l’autorisation de mise sur le marché, sous le nom d’Hepcludex, dans l’indication spécifique du traitement de l’hépatite D dans l’Union européenne. La Haute Autorité de santé a attribué une amélioration du service rendu IV (mineure) et recommande l’utilisation systématique du bulévirtide en association avec l’interféron-pégylé (connu pour provoquer d’importants effets indésirables) chez les patients naïfs ou ayant échoué à l'interféron pégylé. L’association tobévibart/élebsiran s’est vue attribuer le statut de médicament orphelin dans le traitement de l’hépatite D par l’Agence européenne du médicament en novembre 2024, à la suite des résultats préliminaires de l’étude Solstice. Les chercheurs placent de grands espoirs dans les études de phase 3 du programme Eclipse déjà en phase de recrutement.
Le VHD infecte actuellement 12 millions de personnes, dont environ 10 000 à 20 0000 personnes en France. Beaucoup de patients ne sont pas diagnostiqués. « On essaie de mettre en place le “reflex testing”, explique le Dr Asselah. Cela consiste à rechercher le VHD chez tous les patients infectés par le VHB puis, en cas de positivité, de rechercher l’ARN viral pour vérifier si le Delta est actif. »
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