Les personnes sous traitement opiacé sont plus à risque de développer une infection invasive à pneumocoques. C'est ce que met en évidence une étude rétrospective menée aux États-Unis sur la base de données Medicaid du Tennessee, après croisement des données avec celles du système de surveillance bactérienne (Active Bacterial Core surveillance system) alimentée par les laboratoires de biologie médicale pour documenter l'implication du germe dans ces infections invasives recensées en clinique (1).
Cette étude vient confirmer de manière assez démonstrative d'autres travaux déjà menés sur ce thème. Il tire à nouveau la sonnette d'alarme sur les prescriptions excessives en opiacés dans un pays où la surprescription/surconsommation, largement mise en cause depuis quelques années, est devenue un vrai problème de santé publique. La situation est certes fort différente en France. C'est néanmoins une donnée nouvelle intéressante vu ses implications en pratique clinique. Ces nouvelles données appellent en effet les médecins, et en particulier les pneumologues, à être particulièrement attentifs à leurs patients sous traitement opiacé chronique. Et, en pratique, à considérer devant une infection pulmonaire débutante chez ces patients, que cette infection a un risque majoré d'évoluer vers une infection sévère. Ce qui revient prendre sans tarder les mesures qui s'imposent.
Pour mener à bien ce travail, les auteurs ont recensé dans la base Medicaid du Tennessee près de 1 200 patients de plus de 5 ans d'âge ayant développé une infection invasive à pneumocoque. Ils ont été appariés à plus de 24 000 sujets contrôles. L'analyse montre que les patients qui ont fait une infection invasive à pneumocoques sont bien plus souvent que les contrôles sous traitement opioïde. La probabilité d'être sous traitement chronique par opiacé est majorée de 60 % par comparaison aux contrôles qui n'ont pas fait d'infection invasive (RR = 1,6; [1,4 – 1,9]). Et elle tend à être encore majorée chez les patients sous opiacés à longue durée d'action (+ 90 %), sous opiacés forts (+ 70 %) et sous traitement à forte posologie (+ 70 %).
Les mécanismes à l'origine de ce surrisque infectieux sont très probablement liés à l'activité immunosuppressive des opioïdes. Les études animales ont en effet montré cette propriété immunosuppresive médiée. Sous traitement, la production des cellules immunitaires impliquées dans la mort bactérienne (lymphocytes T killer) est réduite, la réponse immunitaire innée aussi, de même que la production d'anticorps et de cytokines.
Chez l'humain, d'autres travaux avaient déjà mis en évidence un surrisque infectieux chez les patients sous opiacés hospitalisés en postchirurgical et pour des traitements pour brûlure ainsi qu'en oncologie. Certaines études suggéraient même que ce surrisque d'infection sévère affectait aussi, hors de l'hôpital, des patients ayant un surrisque infectieux élevé.
L'association est donc manifestement bien plus le fruit d'une immunosuppression que d'une insuffisance respiratoire, concluent les auteurs. Il faudra donc à l'avenir en pratique clinique très scrupuleusement peser la prescription d'opiacé chez les sujets ayant déjà un certain degré d'immunodéficience, notamment chez les sujets porteurs du VIH.
(1) AD Wies et al .Opioid Analgesic Use and Risk for Invasive Pneumococcal Diseases: A Nested Case–Control Study. Annals Intern Med 2018; DOI: 10.7326/M17-1907
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