Alors que l'épidémie de Covid-19 s'étiole sur l'île, la Réunion fait face à une importante épidémie de dengue. L'évolution du nombre de cas en 2020 suit la même courbe que celle de 2019. Du 13 au 26 avril 2020, 1 907 cas autochtones de dengue ont été déclarés dans la totalité de l’île, dont 263 passages aux urgences. Des chiffres en forte augmentation comparés à ceux des semaines passées.
Pour l'année 2020, on dénombre près de 5 500 cas cumulés de dengue sur l'île de la Réunion, un chiffre que se rapproche des 6 700 cas cumulés de l'année 2019. « Nous avons aussi de nombreux cas de dengue secondaire, ainsi qu'un taux d'hospitalisation plus élevé : 6 % des cas ont été hospitalisés contre 3 % d'habitude », complète le Dr François Chièze, directeur de la veille et sécurité sanitaire à l'ARS de la Réunion. Pour le Dr Patrice Poubeau, chef du service des maladies infectieuses du CHU de la Réunion (groupe hospitalier Sud), « il est possible que les cas de dengue secondaire soient plus sévères, mais c'est encore difficile à prouver ».
Arrivée de nouveaux sérotypes
Cette dynamique de l'épidémie douche les espoirs des épidémiologistes. « Jusqu'à l'année dernière, nous n'avions que des virus de sérotype 2 en circulation, ce qui nous laissait espérer une baisse de l'incidence dans les régions du sud et de l'ouest de l'île, poursuit le Dr Chièze. Les régions exposées lors des années passées auraient dû bénéficier d'une séroprotection de l'ordre de 40 %. Cela n'a pas été le cas car nous avons constaté la survenue de sérotypes 1 dans le sud et même du sérotype 3, de façon plus limitée ». Selon la littérature en effet, les patients infectés par la dengue bénéficient d'une immunité à vie contre le sérotype impliqué dans l'infection, mais il semble en revanche ne pas exister d'immunité croisée.
« Il n'y a en tout cas pas d'immunité croisée au long cours, complète le Dr Chièze. Selon les données collectées dans la Réunion, les patients exposés à un nouveau sérotype ne sont protégés que pendant une durée médiane de 13 mois. Ensuite, ils ne sont plus protégés que contre le premier sérotype auquel ils ont été exposés. À la réunion, tout se passe comme si le sérotype 1 avait pris la place du sérotype 2. »
L'impact du Covid-19 sur les efforts contre la dengue
Sans la pandémie de Covid-19, tout laisse penser que l'épidémie de dengue aurait été de moindre ampleur. « On a pu la contenir lors des 2 premiers mois de l'année, se souvient le Dr Chièze. Une phase d'augmentation du nombre de cas est intervenue en parallèle de l'apparition de la notion de Covid-19. On a dû interrompre les opérations de lutte antivectorielle pendant 2 semaines pour former et équiper les intervenants. Ensuite, le confinement a généré des inquiétudes et les équipes de lutte antivectorielle n'ont pas toujours été bien accueillies par la population. »
Bien qu'il soit impossible d'en apprécier l'ampleur, il est aussi probable qu'un certain nombre de cas de dengue ont été diagnostiqués tardivement. « Beaucoup de gens ne se sont pas déclarés, de peur de déranger les services hospitaliers, explique le Dr Chièze. Certains ont aussi pu croire qu'ils étaient infectés par le SARS-CoV-2. »
« Les gens qui avaient beaucoup de fièvre et des céphalées ont été suspectés d'être infectés par le SARS-CoV-2, confirme le Dr Poubeau. Toutes ces personnes ont été testées, mais on s'est progressivement rendu compte qu'il s'agissait de cas de dengue ». Dans le centre de dépistage Covid-19 mis en place au CHU de la Réunion, des PCR sont désormais systématiquement réalisées pour également diagnostiquer les cas de dengue et de leptospirose.
On dénombre un seul cas de coinfection Covid-19 et dengue à la Réunion pour l'instant un homme de 19 ans, chez qui les symptômes de l'infection Covid-19 ont été mineurs, mais dont la dengue a pris une forme très invalidante pendant une douzaine de jours.
La peur du déconfinement
Les autorités regardent maintenant avec attention la date du 11 mais. L'île n'est jamais sortie du stade 2 de l'épidémie de Covid et n'a jamais cessé d'intervenir auprès des cas confirmés pour réaliser des enquêtes et dépister les éventuels cas contacts. Au 29 avril, seulement 420 cas d'infection à SARS-CoV-2 étaient confirmés dans l'île, avec aucun décès. Dans 70 % des cas, il s'agissait de cas importés. « Le gros sujet ici, c'est le risque d'importation de cas, explique le Dr Chièze. En ce sens, le trafic aérien ne sera pas plus ouvert qu'il ne l'est aujourd'hui, à savoir 3 vols par semaine. »
« On a un peu peur du déconfinement, reconnaît le Dr Poubeau. Dans un mois, la circulation de la dengue va diminuer et on va pouvoir réorganiser les hôpitaux pour faire face à une seconde vague de l'épidémie de Covid-19, qui pourrait être favorisée par la saison plus fraîche qui va débuter dans l'hémisphère sud. »
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