Covid-19 : les anti-interleukines 6 désormais fortement recommandés par l'OMS

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Publié le 07/07/2021
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Crédit photo : Phanie

Les inhibiteurs d'interleukine-6 (anti-IL-6) administrés en intraveineuse sont désormais recommandés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dans le traitement des formes sévères de Covid-19. La forme sous-cutanée n'est pas recommandée, et il est préconisé d'utiliser ces molécules en association avec un corticostéroïde oral.

Les deux molécules retenues par l'OMS, le tocilizumab et le sarilumab, doivent être administrées en une seule dose. Une seconde dose peut éventuellement être prescrite entre 12 et 48 heures après la première, tandis que la corticothérapie peut durer entre 5 et 14 jours selon l'évolution de l'état clinique du patient. En ce qui concerne la posologie recommandée, elle est de 8 mg par kg, jusqu'à une dose maximale de 800 mg. Le sarilumab étant généralement dosé autour de 400 mg.

De nouveaux résultats

Ces nouvelles recommandations découlent de nouveaux résultats qui confirment l'efficacité de l'anti-IL-6 tocilizumab pour améliorer la survie des patients hospitalisés à la suite d'une pneumonie Covid-19 modérée à sévère.

L'essai français Corimuno-Toci-1, paru dans le « JAMA Internal Medicine » et mené par les équipes de l'AP-HP et de l'université Paris-Saclay sous l'impulsion d'Inserm-REACTing, a ainsi porté sur 130 patients suivis pendant 90 jours après le début de leur traitement par tocilizumab. Il démontre que la survie des patients très inflammatoire est améliorée s'ils reçoivent cet anticorps monoclonal habituellement employé dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde.

Jusqu’ici, plusieurs essais randomisés sur le tocilizumab avaient donné des « résultats hétérogènes » dans le Covid, pour reprendre les termes des auteurs de Corimuno. Sur les huit études principales répertoriées par les chercheurs, deux démontraient une amélioration de la survie à 28 jours : les études Recovery et Remap-Cap. Deux autres montraient un bénéfice clinique, mais sans impact sur la mortalité, dont Corimuno. De plus, le fort taux de patients enrôlés dans les études Recovery et Remap-Cap prenant également de la dexaméthasone constituait un biais possible pour les résultats.

Les patients recrutés dans l'étude française étaient sous oxygénothérapie, mais aucun n'avait besoin de plus de 3 l/min d'oxygène ou de ventilation mécanique. Dans un premier article publié en octobre, les chercheurs français avaient montré qu'au 28e jour de suivi, la prise de tocilizumab était associée à une amélioration clinique significative mais restait sans effet significatif sur la survie.

En portant le suivi à 90 jours, les auteurs ont constaté que 11 % des 63 patients du groupe tocilizumab et 18 % de ceux du groupe contrôle étaient décédés. Le toilizumab était donc associé à une diminution non significative de 36 % du risque de décès. Toutefois, le tocilizumab avait un effet plus important si l'on ne considérait que les patients ayant un taux de protéine C réactive supérieure à 15 mg/dL : 9 % de mortalité à 90 jours contre 35 dans le groupe contrôle.

Une méta-analyse sur plus de 11 000 patients

L’étude française est de relativement petite taille, mais ces données sont à rapprocher à celle de la méta-analyse publiée le 6 juillet dans le « JAMA » par un groupe de chercheur de l'OMS. Ces derniers ont colligé les données de 27 études, soit 11 112 patients, dont 2 565 sont décédés.

À 28 jours, la mortalité et la progression vers une ventilation mécanique invasive ou le décès étaient plus faibles de 14 % chez les patients ayant reçu des anti-IL-6 par rapport à ceux ayant reçu les soins usuels ou un placebo.

Pour les 19 essais ayant spécifiquement évalué l’effet du tocilizumab, l’effet sur la mortalité à 28 jours et la progression vers une ventilation mécanique invasive ou le décès était diminué respectivement de 17 et 26 %. Dans cette méta-analyse, le tocilizumab n’a pas entraîné plus d’infections secondaires que le traitement usuel.

Une question reste cependant en suspens : les inhibiteurs du récepteur de l’IL-6 doivent-ils remplacer le traitement standard, à savoir la corticothérapie, où y être ajouté ? Les investigateurs de l'essai Corimuno mènent en ce moment un protocole de recherche Corimuno-Tocidex qui compare la dexaméthasone seule à l’association de la dexaméthasone et du tocilizumab. Elle devrait porter à terme sur 450 patients.

Dans une réaction publiée à la suite des nouvelles recommandations de l'OMS, l'ONG Médecins Sans Frontières fait remarquer que le tocilizumab reste un médicament dont le prix le rend hors de portée de la plupart des pays en développement : 410 dollars américains en Australie (347 euros) pour une dose de 600 mg, 646 (547 euros) en Inde ou encore 3 625 (environ 3 000 euros) aux États-Unis, pour un coût de fabrication estimé à 40 dollars, soit 34 euros, selon l'association qui demande au laboratoire Roche, producteur du tocilizumab, d'accepter de le vendre à un prix plus bas dans le cadre de la lutte contre la pandémie.


Source : lequotidiendumedecin.fr