« Il est désormais recommandé d'évaluer nos patients en collaboration avec le cardiologue traitant, dans des centres experts médico-chirurgicaux équipés d'un plateau technique complet. L'évaluation est réalisée par une équipe multidisciplinaire, ou Heart Team (incluant cardiologues, chirurgiens, anesthésistes, spécialistes de l'imagerie et gériatres), afin de proposer au patient la meilleure option entre la chirurgie cardiaque, la procédure percutanée ou la surveillance médicale attentive », insiste le Pr Christophe Tribouilloy (CHU d’Amiens).
Opérer plus tôt les asymptomatiques
Devant une valvulopathie sévère symptomatique, il faut opérer. Mais chez les asymptomatiques, on a le choix entre surveillance et intervention plus précoce. « L'idée est d'éviter une altération de la fonction ventriculaire après la chirurgie, faute d'être intervenu suffisamment tôt, note le Pr Tribouilloy. Mais chez ces patients qui ne se plaignent de rien, le rapport bénéfice/risque doit être très soigneusement pesé ».
En cas d'insuffisance aortique sévère, les critères retenus pour intervenir en l'absence de symptômes sont un diamètre télésystolique du ventricule gauche (VG) > 50 mm ou 25 mm/m2, ou une fraction d'éjection du VG (FEVG) < 50 % (recommandation classe I). Une intervention plus précoce est à discuter pour un diamètre > 20 mm/m2 ou une FEVG ≤ 55 % (IIB), si la chirurgie est à bas risque.
Concernant l'insuffisance mitrale (IM) primaire chez les patients asymptomatiques, l'intervention est recommandée devant un diamètre systolique du VG ≥ 40 mm et/ou une FEVG ≤ 60 % (classe I). Une autre nouveauté est l’opération des patients à bas risque, chez qui une réparation valvulaire peut être réalisée en cas d'oreillette gauche très dilatée (≥ 60 ml/m2).
En cas de rétrécissement aortique (RA) serré, « il est préconisé d'intervenir plus précocement chez les patients asymptomatiques, dès que la FEVG atteint 55 % (classe IIA). De même, pour les RA très serrés définis par un gradient moyen > 60 mmHg ou une vitesse maximale > 5 m/s », poursuit le Pr Tribouilloy. En cas de RA symptomatique, les recommandations restent inchangées : il faut agir.
L’essor des techniques percutanées
Le remplacement de la valve aortique percutané (TAVI) est une invention française de l'équipe de Rouen qui fête ses 20 ans, pour laquelle le Pr Alain Cribier a été récompensé en avril au congrès de l'ACC. Plus de 15 000 patients ont déjà été traités en France et 1,5 million dans le monde. « Initialement limitées aux contre-indications de la chirurgie, les indications du TAVI se sont progressivement élargies vers des patients moins âgés et à moindre risque », note le Pr Tribouilloy. Selon les recommandations européennes, la chirurgie est recommandée (IB) aux patients jeunes (moins de 75 ans) à bas risque opératoire (EuroSCORE II ou STS score < 4 %), ou opérables mais contre-indiqués au TAVI par voie fémorale (voie d'abord assurant les meilleurs résultats). Le TAVI est recommandé (IA) aux sujets de 75 ans et plus, ainsi que chez les moins de 75 ans à haut risque chirurgical (Euro SCORE II ou STS score ≥ 8 %) ou ayant une contre-indication à la chirurgie. En cas de situation intermédiaire, le choix entre chirurgie et TAVI doit faire l'objet d'une discussion multidisciplinaire.
Concernant la valve mitrale, « on a moins d'études et de recul pour le MitraClip, explique le Pr Tribouilloy. Lorsque l'IM est organique, le MitraClip peut être proposé, après discussion avec les chirurgiens, si les conditions anatomiques sont favorables chez les patients inopérables ou à haut risque chirurgical (IIA). Lorsque l'IM est secondaire au remodelage du VG, les deux études randomisées disponibles donnent des résultats contradictoires. Les recommandations sont d'optimiser au maximum le traitement de l'insuffisance cardiaque classique. Si le patient reste symptomatique, il faut proposer le MitraClip en cas d’inéligibilité à la chirurgie et en présence des critères de l'étude américaine COAPT : conditions anatomiques favorables, FEVG > 20 %, diamètre télédiastolique < 70 mm et sujets symptomatiques en classe NYHA 2, 3 ou 4 ambulatoire ».
Pour la valve tricuspide, le TriClip apparaît pour la première fois dans les recommandations, chez des patients inopérables avec une insuffisance de la tricuspide sévère (IIB). L’étude française randomisée TriFR a débuté pour évaluer objectivement les résultats de ce type de procédure.
En cas de dégénérescence de bioprothèse valvulaire, survenant souvent après 10 à 15 ans de mise en place, il peut être proposé une procédure de « valve in valve ». Elle consiste à insérer par voie percutanée une bioprothèse un peu plus petite, dans la bioprothèse initiale. Pour l'instant, cette technique est réservée aux patients inopérables ou à haut risque chirurgical.
D'après un entretien avec le Pr Christophe Tribouilloy, CHU d’Amiens
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