Prescrits au long cours après une phlébite ou une embolie pulmonaire, les anticoagulants ne présentent pas un intérêt pour l’ensemble des patients concernés, puisqu’environ 65 % d’entre eux ne développeront pas de nouvel événement thrombotique. En identifiant des marqueurs d’un risque de récidive, les chercheurs français du réseau F-Crin « Innovte » et leurs collaborateurs internationaux franchissent un pas supplémentaire vers un ciblage des 35 % des patients qui sont à risque de faire plus d’un événement thromboembolique.
Dans Blood, des chercheurs de l’Inserm et de l’université de Bordeaux, en collaboration avec des équipes nationales et internationales, détaillent, via la génétique, 28 marqueurs moléculaires (variations génétiques, expression génique, protéines) qu’ils ont identifiés. À terme, l’ambition est de « proposer un outil de prédiction du risque de récidive permettant d'adapter l'anticoagulation et la durée du traitement aux différents profils de patients », explique au Quotidien David-Alexandre Trégouët, directeur de recherche au centre Bordeaux Population Health (Inserm/université de Bordeaux) et dernier auteur.
Première étude d’association pangénomique sur la maladie
Pour identifier les marqueurs, les chercheurs, qui ont eu accès à huit cohortes de patients d’origine européenne, ont ainsi pu analyser le profil génétique de 6 355 personnes atteintes de maladie thromboembolique veineuse, dont 1 775 avaient connu un second événement. Première étude d’association pangénomique sur la maladie thromboembolique veineuse, leur travail inclut également des analyses de sous-groupes, réalisées en fonction du sexe, du type de manifestation clinique de la première thrombose veineuse (phlébite ou embolie pulmonaire), ainsi que de la présence ou non d’un facteur déclenchant du premier événement (de nature transitoire, comme une immobilisation prolongée des membres ou la prise d’une contraception).
Au total, 28 biomarqueurs ont été identifiés, dont 22 sont spécifiques à la récidive. « À l’international, des travaux sur les facteurs et biomarqueurs associés au risque de premier événement thromboembolique ont déjà permis d’identifier une centaine de gènes impliqués. Notre étude vient compléter ces connaissances récentes en mettant en évidence des marqueurs inattendus et spécifiques à la récidive », souligne David-Alexandre Trégouët.
Si certains marqueurs sont communs, reflétant des mécanismes partagés, d’autres diffèrent selon la nature de l’événement initial (phlébite ou embolie pulmonaire, événement provoqué ou non). « Après l’arrêt d’une anticoagulation chez les patients ayant fait une thrombose non provoquée, le risque de récidive est de 9 % à un an et de 35 % à cinq ans avec un taux de mortalité de 10 %. Il est donc essentiel de pouvoir identifier les patients à haut risque », relève-t-il.
Un risque plus élevé chez les hommes
Des marqueurs sont spécifiques selon le sexe. « Le risque de récidive est plus élevé chez les hommes que chez les femmes. La découverte de biomarqueurs spécifiques ouvre une nouvelle voie de recherche sur les mécanismes propres aux hommes et aux femmes », indique David-Alexandre Trégouët.
La prochaine étape consistera à mesurer de manière précise les biomarqueurs identifiés. Ces mesures seront ensuite intégrées dans des modèles de statistiques avancés afin d’identifier les outils les plus performants pour prédire le risque de récidive. Reste aussi à débusquer d’éventuels effets synergiques. « On peut imaginer que l’effet délétère d’un biomarqueur soit amplifié en présence d’un autre », anticipe David-Alexandre Trégouët. D’ici à un an, les chercheurs espèrent disposer d’éléments robustes de prédiction individuelle du risque de récidive. L’ambition est d’aboutir à un premier modèle « au lit du patient » d’ici deux ou trois ans.
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