En cas de crise cardiaque dans un lieu public, les femmes sont moins susceptibles de recevoir une réanimation cardiopulmonaire (RCP) de la part d'un témoin que les hommes, ce qui entraîne un plus grand nombre de décès chez les femmes concernées, selon une étude présentée ce 18 septembre au congrès de la Société européenne de médecine d'urgence (Eusem) à Barcelone.
Dans le cadre de cette recherche, qui n'est pas encore publiée, des médecins canadiens ont cherché à comprendre comment la RCP est administrée différemment aux hommes et aux femmes.
Il est connu que les femmes sont moins bien prises en charge pour un infarctus du myocarde, mais aussi plus globalement pour les maladies cardiovasculaires. En France, la Pr Claire Mounier-Véhier en a fait son cheval de bataille en créant la fondation Agir pour le cœur des femmes dont l'une de ses déclinaisons est le Bus du cœur.
Ici, l'équipe canadienne s'est focalisée sur la RCP en examinant les dossiers d'arrêts cardiaques survenus, hors hôpital, aux États-Unis et au Canada entre 2005 et 2015, soit près de 40 000 patients âgés en moyenne de 67 ans. Dans l'ensemble, 54 % des patients ont reçu un massage cardiaque, selon leur recherche, une proportion légèrement moindre pour les femmes (52 %) que pour les hommes (55 %).
Pour les arrêts cardiaques survenus dans un lieu public, dans la rue par exemple, la différence était plus marquée, avec 61 % des femmes ayant reçu un massage, contre 68 % des hommes.
Pour le Dr Alexis Cournoyer, médecin urgentiste à l'hôpital du Sacré-Cœur de Montréal qui a mené l'étude, cet écart « augmente la mortalité des femmes à la suite d'un arrêt cardiaque, c'est certain », a-t-il déclaré à l'AFP. Sachant que seulement 10 % environ des victimes d'un arrêt cardiaque en dehors d'un hôpital survivent, a pointé l'équipe canadienne.
Barrière de reconnaissance
Les chercheurs ont tenté de trouver une raison à l'écart entre les sexes. L'une des hypothèses était que les passants pouvaient être embarrassés à l'idée de toucher la poitrine d'une femme sans son consentement, a déclaré le Dr Cournoyer. Et que l'âge pouvait influer sur la décision. Mais ce n'est pas le cas, quel que soit leur âge, les femmes étaient moins susceptibles de recevoir une réanimation cardiopulmonaire.
Autre possible explication, selon Alexis Cournoyer : une « barrière de reconnaissance » pour les femmes victimes d'un arrêt cardiaque, souvent considéré, à tort, comme un événement qui n'arrive qu'aux hommes.
La RCP sans hésiter
Selon une étude publiée en août dans la revue Lancet Digital Health, avant un arrêt cardiaque, les hommes sont plus susceptibles de ressentir des douleurs thoraciques – un symptôme couramment décrit dans les médias - tandis que les femmes, elles, sont davantage susceptibles de ressentir un essoufflement.
Sylvie Cossette, co-autrice de l’étude, professeure en sciences infirmières et chercheuse à l'Institut de Cardiologie de Montréal, indique vouloir poursuivre les recherches afin de mieux comprendre ce qui sous-tend cette différence « afin que toute personne nécessitant une RCP puisse l'avoir, quels que soient son âge, son sexe et le lieu ».
Quant au président de l'édition 2023 du congrès Eusem, le Pr Youri Yordanov, du service des urgences à l'hôpital Saint-Antoine (AP-HP) : « la RCP sauve des vies, mais malheureusement toute personne ayant un arrêt cardiaque n'a pas la RCP dont il a besoin. Cette étude nous donne des clés du pourquoi. Un arrêt cardiaque peut arriver n'importe quand et n'importe où, donc nous devons tous apprendre la RCP et la réaliser sans hésitation ».
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