Comment lutter contre la toxicité neurologique et rénale du cisplatine en cancérologie ? Des équipes françaises, en collaboration avec l'Université du Michigan, suggèrent que l'istradefylline, développée dans la maladie de Parkinson, pourrait en réduire les effets indésirables, tout en préservant, voire en améliorant, ses propriétés antitumorales.
Ces résultats publiés dans « The Journal of Clinical Investigation » devront désormais être consolidés dans un essai clinique. Il n'existe pas actuellement de solutions spécifiques pour limiter les neuropathies périphériques et les atteintes rénales pouvant aller jusqu'à l'insuffisance rénale aiguë dans un tiers des cas.
Cibler les récepteurs à l'adénosine
Les équipes menées par Christelle Cauffiez, David Blum et Geoffroy Laumet des laboratoires Canther (Inserm/CNRS/Université de Lille/CHU de Lille), Lille Neuroscience & cognition (Inserm/Université de Lille/CHU de Lille) et du département de physiologie de l'Université du Michigan travaillent à développer des stratégies pour limiter la toxicité des chimiothérapies. Les scientifiques se sont ici intéressés à l'istradefylline, développée dans le Parkinson et autorisée aux États-Unis et au Japon (mais pas en Europe).
Ce médicament fonctionne en bloquant des récepteurs à la surface de nos cellules, les récepteurs de l’adénosine. L’équipe de David Blum, qui travaille sur les pathologies neurodégénératives, s’était déjà aperçue que ces récepteurs sont en quantité augmentée dans le cerveau des patients en contexte pathologique et que ce phénomène est impliqué dans le développement de ces maladies. Or, une augmentation similaire des récepteurs de l’adénosine a également été observée par l’équipe de Christelle Cauffiez au niveau rénal, lorsque l’organisme est exposé au cisplatine. Face à ce constat, les scientifiques ont donc décidé de travailler ensemble pour tester les effets de l’istradefylline, afin de déterminer si le fait de bloquer ces récepteurs permet de réduire les effets délétères du cisplatine.
Des bénéfices à confirmer dans des essais cliniques
Leurs expériences, menées à partir de modèles animaux et cellulaires, ont effectivement suggéré le rôle bénéfique de l’istradefylline. Chez les souris exposées à cette chimiothérapie, la molécule agit en réduisant non seulement les dommages causés aux cellules rénales mais également la douleur induite par le cisplatine. En outre, la capacité du cisplatine à réduire la croissance tumorale était augmentée chez les animaux qui recevaient de l’istradefylline, ce qui a ensuite été confirmé dans les modèles cellulaires.
Avant d’envisager la généralisation de cette approche thérapeutique, ces résultats devront d’abord être consolidés en organisant un essai clinique rigoureux. Néanmoins, le fait que l’istradefylline soit déjà utilisée chez l’humain constitue d’ores et déjà un point fort. « De fait, nous disposons déjà de nombreuses données issues d’essais cliniques qui montrent que cette molécule est sûre, soulignent les chercheurs. S’il est nécessaire de mener une étude clinique afin de tester son efficacité pour réduire les effets secondaires de la chimiothérapie, la possibilité d’un repositionnement thérapeutique est une perspective prometteuse pour améliorer la prise en charge des patients à court terme. »
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