« Inégalités criantes », « véritables pertes de chance », « il faut désormais agir ». La Ligue contre le cancer ne mâche pas ses mots à l’occasion de la journée mondiale ce 4 février 2025. Dans un manifeste, l’association émet 10 recommandations au président de la République pour « une véritable révolution du parcours de vie » allant de la prévention à la fin de vie.
Plus de 25 ans après les États généraux organisés par la Ligue en 1998 qui ont donné la parole aux patients, où en est-on ? « Après une embellie avec la loi Kouchner et le premier plan cancer, ça va plutôt moins bien, déplore le Dr Philippe Bergerot. S’il y a eu une très nette amélioration des soins, tout le monde n’en bénéficie pas. Un tiers des patients n’a pas accès au dispositif d’annonce. La consultation par une infirmière de coordination fonctionne moins bien, faute de personnel suffisant ». Les carences ont bien du mal à se résorber, alors que le nombre de nouveaux cancers a été multiplié par deux en 20 ans.
« Les inégalités face au cancer s’accumulent tout au long de la vie dès les campagnes de prévention et ne font que s’accentuer entraînant des différences d’espérance de vie selon les régions », explique le Dr Philippe Bergerot. En miroir, les cancers contribuent à 40 % des inégalités sociales de mortalité chez les hommes et à 30 % chez les femmes, selon les travaux de Cyrille Delpierre, du centre d’épidémiologie et de recherche en santé des populations à l’Inserm et l’Université Toulouse III Paul Sabatier.
Un déficit d’information
Le dépistage reste à la peine, en particulier pour le cancer colorectal avec une participation qui patine à 38 %, « alors que l’on peut atteindre 90 % de guérison en traitant précocement après une coloscopie ». Le diagnostic reste trop tardif. « L’accès aux soins primaires reste compliqué » et la coordination ville-hôpital n’est pas optimale, avec « des réponses à l’urgence mais sans réflexion sur le parcours de soins », ce que le Dr Bergerot illustre d’un exemple. « Un patient alcoolique, qui serait venu consulter aux urgences, parfois plusieurs fois, n’est pas orienté vers un dépistage des voies aériennes digestives et supérieures, cela éviterait pourtant de faire le diagnostic à un stade avancé », déplore-t-il.
Suivi psy, activité physique, sexologue, l’accès aux soins de support n’est pas garanti, alors que « c’est extrêmement important », martèle le cancérologue radiothérapeute. « Il faut une offre de proximité », ce que la Ligue s’efforce de proposer. Mais aussi « sans reste à charge pour tous les cancers », saluant la loi récente votée pour le sein. « Les femmes traitées pour un cancer utérin rencontrent les mêmes troubles sexuels et le même besoin de perruques après une chimiothérapie que les patientes avec un cancer du sein », fait-il observer. Et surtout « l’information doit être donnée ». « Cela fait 20 ans qu’il en est question mais ce n’est toujours pas assez formalisé au sein des établissements, poursuit-il. Les actions d’aller vers, par exemple dans la salle d’attente, sont à développer. Nous travaillons à des conventions avec les établissements. »
Mieux accompagner le retour à l’emploi
Et une fois la rémission atteinte, le retour à l’emploi n’est pas suffisamment anticipé. « Théoriquement, un plan personnalisé est prévu pour expliquer ce qu’il y a à faire avant la visite de préreprise, rappelle le président de la Ligue. Ce n’est pas anodin, cela diminue le sentiment d’abandon et c’est un rempart contre les dérives sectaires. »
Au bout de la chaîne, la fin de vie fait partie de la cancérologie. La possibilité de soins palliatifs est une question à envisager dans les directives anticipées. « Il n’y a pas eu beaucoup d’amélioration pour les soins palliatifs, la loi devrait être de nouveau examinée et il ne faudrait pas qu’avec le projet de la scinder en deux, l’aide à mourir n’éclipse les soins palliatifs », estime le Dr Bergerot.
Pour autant, la Ligue par la voix de son président estime nécessaire d’avancer sur les deux points. « Nous ne sommes pas des acharnés. À un moment donné, si tout le monde est d’accord et si la personne le décide, un accompagnement à mourir doit être possible en pluridisciplinarité et de façon encadrée dans un environnement sécurisé avec les proches et des professionnels, développe-t-il. Les personnes passées par la maladie le demandent. C’est une source d’inégalités aujourd’hui, certains peuvent partir à l’étranger, d’autres non ». De plus en plus présents au sein des comités de la Ligue, relecteurs d’essai thérapeutique, représentants des usagers et personnes-ressources ont participé à l’élaboration du plaidoyer.
Les 10 recommandations de la Ligue
1. Rendre le dépistage des cancers accessibles sur l’ensemble du territoire
2. Garantir que chaque personne malade puisse bénéficier d’une consultation d’annonce spécifique, empathique et accompagnée
3. Améliorer la qualité de prise en charge des personnes malades en supprimant leurs restes à charge
4. Faciliter la coordination des soins jusque dans les territoires les plus isolés
5. Lutter efficacement contre les pénuries de médicaments et favoriser l’accès à l’innovation
6. Soutenir la recherche et l’innovation pour un meilleur accès à la médecine personnalisée
7. Permettre à tous et à toutes de bénéficier de soins de support sur l’ensemble du territoire
8. Favoriser le maintien et le retour à l’emploi pendant et après la maladie
9. Valoriser et reconnaître l’engagement des proches aidants auprès des personnes malades
10. Rendre les soins palliatifs et l’accompagnement de fin de vie accessibles sur l’ensemble du territoire
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