Passé l’âge limite d’éligibilité pour le dépistage organisé du cancer du sein, un grand nombre de femmes pensent qu’elles n’en ont plus besoin, que ce cancer ne les concerne plus ou qu’il n’est plus agressif. Or, un tiers des cancers du sein touche des femmes de plus de 70 ans et un décès sur deux par cancer du sein les concerne. Ce thème était l’objet de la 12e journée scientifique de l’Institut du sein Henri Hartmann (Neuilly-sur-Seine), en écho à la campagne du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) en avril 2019.
Le dépistage organisé, qui s’adresse à toutes les femmes entre 50 et 74 ans, permet de diagnostiquer des cancers débutants (tumeurs de moins de 1 cm) avec un taux de guérison de 90 %. « Le problème, c’est qu’après 74 ans, les femmes ne reçoivent plus de convocation de la part de la Sécurité sociale, souligne le Dr Jean-Michel Vannetzel, président de l’Institut du sein Henri Hartmann. Quant aux médecins généralistes, ils ne les examinent pas toujours : moins de 5 % des cancers sont repérés par ces derniers dans cette tranche d’âge. Par ailleurs, puisqu’elles n’ont plus besoin de frottis après 65 ans, elles ne vont plus voir leur gynécologue. » Résultat : chez la patiente âgée, la plupart des cancers sont diagnostiqués lorsque la tumeur mesure plus de 2 cm. Dans ce cadre, le taux de guérison tombe à 50 %.
Des traitements efficaces
Le diagnostic tardif aggrave grandement le pronostic du cancer du sein chez les seniors. « Un grand nombre de femmes âgées touchées par ce cancer ont des situations économiques, affectives et sociales difficiles. Néanmoins, une femme de 80 ans par exemple peut espérer vivre une dizaine d’années », indique l’oncologue médical et radiothérapeute. Beaucoup de femmes restent en forme à cet âge et peuvent bénéficier d’un traitement pour leur cancer du sein. « En tant que médecin, nous ne devons pas considérer l’état civil mais l’âge physiologique de chaque patiente pour lui proposer un traitement adapté à son état de santé et à ses éventuelles comorbidités, précise le Dr Vannetzel. Ne pas traiter une femme de son cancer du sein, sous prétexte qu’elle est âgée, est intolérable ».
Aujourd’hui, il est exceptionnel qu’une femme âgée soit déclarée médicalement inopérable par l’anesthésiste. Toutefois, le choix de l’intervention diffère selon la patiente. « Nous discutons avec l’oncogériatre du type d’opération adapté à l’âge physiologique de la personne, indique le spécialiste. Des actes chirurgicaux simples et rapides sont toujours possibles si la patiente et sa famille sont d’accord. La radiothérapie peut également être accélérée si besoin. Et dans certains cas particuliers, après la chirurgie, nous pouvons même décider de nous passer de radiothérapie. »
L’hormonothérapie, quant à elle, est adaptable au contexte de la femme âgée. La chimiothérapie injectable existe avec des doses adaptées à chaque patiente et peut également être proposée sous forme de comprimés.
Réduire les inégalités
Face à ce constat, il est nécessaire de sensibiliser le grand public et les médecins au dépistage du cancer du sein après 74 ans. « Il ne s’agit pas de modifier la tranche d’âge concernée par le dépistage organisé, souligne le Dr Vannetzel. Mais nous souhaiterions lancer une campagne auprès des femmes pour qu’elles comprennent que le fait de sortir du dépistage organisé ne signifie pas qu’elles ne courent plus de risque de développer un cancer du sein éventuellement grave ».
Un autre axe d’action est de mieux informer les médecins généralistes et les gynécologues afin qu’ils continuent d’examiner systématiquement les femmes âgées. Enfin, pour le spécialiste, « il faut diffuser les recommandations européennes récentes* de prise en charge du cancer du sein de la femme âgée, en insistant sur le rôle des oncogériatres pour adapter le traitement de ces patientes dites âgées ».
« Cancer du sein de la femme âgée : pourquoi s'en occupe-t-on si mal », 12e journée scientifique de l’Institut du sein Henri Hartmann, le 1er octobre à Paris
*Recommandations 2021 de l'European Society of Breast Cancer Specialists/International Society of Geriatric Oncology (EUSOMA/SIOG). L. Biganzoli et al, Lancet Oncol, juillet 2021;22(7):e327-e340. doi: 10.1016/S1470-2045(20)30741-5
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