Les élus locaux accroissent la pression sur les élus nationaux. Dans un texte publié dans La Tribune dimanche, 1 510 d’entre eux - dont 915 maires, issus de 68 départements différents - appellent les parlementaires à adopter la proposition de loi transpartisane du député socialiste Guillaume Garot pour lutter contre les déserts médicaux.
Alors que l’examen à l’Assemblée nationale reprend à partir de ce mardi 6 mai (seul l’article 1 a été voté), ce texte introduit pour la première fois une régulation à l’installation des médecins généralistes et spécialistes (libéraux et salariés) dans les zones les mieux dotées. Chaque nouvelle installation serait ainsi conditionnée à une autorisation préalable de l’agence régionale de santé (ARS), uniquement délivrée lorsqu’un confrère « de la même spécialité » cesse son activité dans la même zone. D’autres irritants figurent dans le texte, tels que l’obligation de permanence des soins, l’encadrement des remplacements et la suppression du dispositif du médecin traitant.
Vent debout contre ces mesures, plusieurs milliers de carabins, internes et médecins installés ont défilé en France à Paris mais aussi dans plusieurs grandes villes, mardi dernier, appelant au retrait du texte ou a minima à son rejet. Les juniors restent engagés dans un mouvement de « grève intersyndicale illimitée », soutenue par leurs aînés et l’Ordre des médecins.
Une loi « indispensable » pour les élus locaux
Mais pour les élus locaux signataires de la tribune dans l'hebdomadaire, « parce qu’il refuse de baisser les bras face à l’urgence, parce qu’il bénéficie d’un large soutien sur les bancs de droite, de gauche et du centre au Parlement, ce texte (la proposition de loi Garot, NDLR) doit poursuivre son cheminement parlementaire ». Ainsi, les élus locaux exhortent leurs collègues députés à ne pas céder. « Élus de terrain, attachés à la promesse républicaine de la santé pour tous, nous appelons l’ensemble des députés à voter cette loi indispensable », plaident-ils, ajoutant que « l’attente de nos concitoyens est forte : ne les décevons pas ».
Toujours selon ces élus, la proposition de loi Garot fait de la régulation de l’installation des médecins, « déjà appliquée pour de nombreuses professions de santé » le « nécessaire levier d’une politique à mener par ailleurs sur tous les fronts ». Leur appel cite la « poursuite des dispositifs incitatifs », « l'amélioration des conditions de travail en internat », le « développement des stages en médecine de ville » ou encore « l'accompagnement des collectivités dans leurs politiques locales d’accès aux soins ».
Les médecins sont rémunérés par la Sécurité sociale, et leurs études ont été financées par la collectivité
François Bayrou, entretien au JDD
Le gouvernement, qui ne soutient pas la régulation à l’installation, a allumé un contre-feu, en présentant son propre plan de lutte contre les déserts médicaux. Celui-ci prévoit d’instaurer un « principe de solidarité territoriale obligatoire » d’exercer jusqu’à deux jours par mois dans les zones les plus fragiles – qualifiées de « rouges » – , avec une compensation financière. Le reste du plan Bayrou, qui recycle parfois des mesures connues, porte pour l’essentiel sur la formation initiale et les délégations de tâches.
Mais dimanche, le chef du gouvernement a accordé une interview au Journal du dimanche, qui a crispé à nouveau une partie de la profession. François Bayrou y souligne « l’extrême sensibilité » de la question des déserts médicaux lors de ses déplacements dans tout le pays, avant de fustiger le discours purement libéral de certains médecins. « Dire “aucune contrainte”, c’est à mes yeux une forme d’indifférence ou de manque de responsabilité » des praticiens, expose-t-il, précisant que les médecins sont « rémunérés par la Sécurité sociale » et que leurs études « ont été financées par la collectivité ».
Une forme de mépris
En réaction, l’association Médecins pour demain a publié une lettre ouverte à François Bayrou intitulée : « Les médecins méritent mieux que le mépris ». Dans sa missive, l’organisation dénonce des déclarations qui « ont profondément choqué nombre de soignants » et qui « trahissent une méconnaissance flagrante » de leur quotidien, « en alimentant une forme de mépris, injuste et dangereuse, à l’égard d’une profession », accusée à tort « d’irresponsabilité ».
Même son de cloche du côté de l’UFML-Syndicat, qui souligne que « par méconnaissance ou par mégarde » le Premier ministre a « indigné les médecins » lors de cet entretien dominical. Le syndicat présidé par le Dr Jérôme Marty précise que « les médecins méritent mieux de leur gouvernement » et interroge François Bayrou : « Serez-vous à la hauteur de cet Himalaya (de la santé, ndlr) ? »
C’est dans ce contexte que la PPL transpartisane de Guillaume Garot revient donc à l’Assemblée nationale à partir du mardi 6 mai, sous très haute surveillance du corps médical.
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