Comment les facteurs politiques peuvent-ils affecter la démographie médicale ? C’est la question sur laquelle se sont penchés deux chercheurs canadiens, qui démontrent, à partir des données de 134 pays, qu’un niveau élevé de démocratie et un niveau faible de corruption sont associés à une plus grande densité de médecins, indépendamment des dépenses de santé.
« Les institutions démocratiques, en favorisant la stabilité politique et l'élaboration de politiques inclusives, conduisent souvent à de meilleurs investissements dans les infrastructures de santé et le développement de la main-d'œuvre », soulignent les auteurs de l’étude publiée dans Plos Global Public Health. Aucun lien n’est en revanche établi entre les facteurs de gouvernance et les ratios généralistes/spécialistes ou hommes/femmes.
La transparence coréenne au service de la gestion de crise
Pour mettre en perspective leurs résultats, les auteurs mettent en avant le cas de la Corée du Sud et sa gestion de la pandémie de Covid. « La capacité du pays à mobiliser rapidement des ressources et à maintenir la confiance du public illustre comment les principes démocratiques clés, tels que la communication transparente, la responsabilité et la prise de décision collective, ont renforcé la réponse du système de santé », analysent-ils.
L’exemple du National Health Service (NHS) du Royaume-Uni démontre aussi, selon eux, comment un système démocratique, « ancré dans la transparence et le contrôle public », influence la politique de santé. Dans le pays, « les décisions concernant la planification des effectifs et l’allocation des ressources sont soumises à un contrôle démocratique, ce qui garantit que le public est impliqué dans les débats sur les priorités en matière de santé », expliquent les auteurs. Et d’ajouter : « les discussions autour des pénuries de main-d’œuvre du NHS, du financement et du Brexit reflètent la manière dont les processus démocratiques garantissent que le personnel de santé est façonné par les besoins et la responsabilité du public, malgré les défis posés par les changements politiques ».
Le contre-exemple indonésien
À l’inverse, la récente adoption d’une loi sur la santé en Indonésie souligne comment l’absence de processus démocratique peut affaiblir la capacité d’un pays à maintenir des effectifs de soignants suffisants. « L’absence d’implication des parties prenantes et l’insuffisance de la participation du public ont été l’un des nombreux facteurs qui ont érodé la confiance dans la capacité du gouvernement à mettre en œuvre des réformes de la santé, suscitant des inquiétudes quant au moral du personnel de santé et à son maintien », écrivent les auteurs.
Concernant l’impact de la corruption, c’est le cas du Nigeria qui est cité. « Le détournement des fonds publics a entraîné une pénurie de fournitures médicales, des installations de santé inadaptées et une main-d’œuvre démoralisée, contribuant à des taux de mortalité plus élevés et à un accès dégradé aux soins », est-il détaillé.
Pour les auteurs, les résultats démontrent la pertinence des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la gouvernance comme « élément essentiel » au développement et au maintien d’un effectif « solide » de soignants. Transparence, responsabilité et participation du public apparaissent comme la clé d’une répartition équitable des professionnels de santé, un prérequis « fondamental » pour parvenir à une couverture sanitaire universelle.
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