Au congrès de la Mutualité, l’avenir de la Sécu s’écrit en pointillé

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Publié le 24/06/2025
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Alors que le gouvernement cherche des gisements d’économies tous azimuts, mais aussi de nouvelles recettes, le 44e congrès de la Mutualité a été le théâtre, la semaine dernière, d’un débat en filigrane sur l’avenir du système de protection sociale. Sans pouvoir trancher.

Crédit photo : Léo Juanole

Un congrès mutualiste arrivé un peu trop tôt ? Ce 44e rendez-vous de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF) s’est tenu du 18 au 20 juin 2025 sous le soleil d’Agen (Lot-et-Garonne), devant plus d’un millier de participants, sans pouvoir éclairer vraiment le secteur sur le sort de la protection sociale qui se joue. Emmanuel Macron était « retenu par la situation internationale », a fait valoir sa fidèle ministre Catherine Vautrin (Travail, Santé, Solidarités, Familles) venue le représenter.

À défaut d’un cap fixé par le chef de l’État (pourtant une tradition au congrès de la Mutualité), la Rémoise aux manettes de son superministère social a transmis « son attachement à la Sécurité sociale et à la place qu’occupe la mutualité dans le modèle social ». Les congressistes n’en sauront pas davantage sur la vision présidentielle, tandis que se préparent des grandes manœuvres pour sauvegarder le modèle français « à bout de souffle », de l’aveu de tous.

États généraux de la santé

Mi-mai, Emmanuel Macron avait évoqué une « conférence sociale » autour du financement du modèle hexagonal. En juillet, les partenaires sociaux seront réunis à cet effet. « La question, c’est combien chacun veut-il que la société consacre au modèle social ? Et comment chacun est prêt à y participer ? », a interrogé Catherine Vautrin, sans apporter de réponse.

La pression est pourtant devenue encore plus forte, s’accordent la ministre Catherine Vautrin et le président de la Mutualité, alors que le comité d’alerte sur les dépenses maladie a sonné le tocsin pour cause de dérapage budgétaire en 2025. Dans le viseur : les IJ, le médicament ou encore le déficit hospitalier. Les questions autour de la soutenabilité du modèle social et de l’accès aux soins « seront prééminentes lors des prochaines échéances électorales », anticipe déjà Éric Chenut, qui appelle à une vision de long terme.

En ce sens, le leader mutualiste a proposé « l’organisation d’états généraux de la santé et de la protection sociale ». Une initiative qui fait aussi écho aux propos du président du Sénat Gérard Larcher (LR), qui a tenu à adresser un message vidéo aux délégués mutualistes. Affirmant que « les réformes structurelles ne pourront plus être différées bien longtemps » pour « préserver » la Sécu, l’ancien vétérinaire a réclamé « un vrai débat public sur la protection sociale, ses forces et ses faiblesses ». Mais l’exécutif en aura-t-il le temps ?

Des pistes font consensus en commençant par la lutte contre la fraude sociale, priorité de l’exécutif. Un gisement potentiel de 13 milliards d’euros, confirme le Haut conseil de financement de la protection sociale HCFiPS. À cet effet, la FNMF a réclamé un meilleur partage des informations de santé entre l’Assurance-maladie et les complémentaires. Catherine Vautrin y est favorable, reste à trouver le véhicule législatif.

Financement de la prévention et taxe ?

Vaccination anti-HPV et antigrippale, alcool, tabac, nutrition… Le volet « prévention » a été largement abordé lors du congrès de la Mutualité. Une des pistes consisterait à confier une partie beaucoup plus importante du financement de ces dépenses aux complémentaires, de manière à personnaliser au maximum les stratégies de prévention et d’éducation à la santé, dans une logique de prestations et de services. Une gestion du risque qui intéresse le secteur mutualiste. Mais jusqu’où aller alors que la Sécu finance elle aussi une part significative des dépenses de prévention et de dépistage ?

Le « grand témoin » de l’événement, l’essayiste David Djaïz, ex-rapporteur général du Conseil national de la refondation (CNR) a lui aussi plaidé en ce sens pour un principe de « santé globale » afin de « protéger tout au long de la vie », et « avant que les problèmes de santé surviennent ». Selon cet expert, « la prévention sera au cœur du réacteur ». Toutefois, a prévenu le directeur de l'Irdes Denis Raynaud, « il est difficile d’en chiffrer les économies ».

Le désaccord reste total entre le gouvernement et les mutualistes sur une éventuelle taxe additionnelle sur les complémentaires, afin de récupérer jusqu’à un milliard d’euros. « Cela fait partie des sujets qui nous séparent », a euphémisé Catherine Vautrin. Éric Chenut a prévenu que la Mutualité « contestera par tous les moyens, toute augmentation de taxe ». Lors d’une table ronde, Patrick Brothier, président d’Aésio mutuelle, a interpellé ses camarades, rappelant que les complémentaires payent déjà la « TVA des mutuelles », soit la taxe de solidarité additionnelle. « Quoi de plus injuste que de nous ajouter encore une taxe ? » Il a été vivement applaudi.


Source : lequotidiendumedecin.fr