Alors que sa proposition de scinder le projet de loi sur la fin de vie divise, le Premier ministre François Bayrou vient de recevoir l’appui public de son ministre de la Santé Yannick Neuder.
Distinguer la partie sur les soins palliatifs de celle sur l’aide active à mourir, « c’est la sagesse, parce que dans ce projet de loi initial, il y avait un accord unanime du Parlement pour pouvoir permettre l'accès à des soins palliatifs partout en France », a déclaré le Dr Yannick Neuder ce 4 février, invité d’ici Normandie (ex-France Bleu).
Selon lui, cette première partie du projet de loi, dont l’examen en première lecture à l’Assemblée a été coupé net par la dissolution en juin 2024, est « une première avancée ». « C’est de permettre justement de pouvoir partir dans la dignité avec des soins palliatifs où, globalement, vous êtes pris en charge, vous n'avez plus de douleur, vous pouvez faire le point avec votre famille », ce qui était « une grande demande des patients ». Cette première phase « permettra aussi une réconciliation nationale sur ce sujet-là, parce que je crois que ces soins palliatifs, on en a besoin, il faut vraiment le faire », répète Yannick Neuder. Le ministre est sur la même lignée que l’un de ses prédécesseurs, Frédéric Valletoux, aujourd’hui député Horizons, qui a déclaré au Figaro que « tout le monde se sentira plus à l'aise avec une scission du texte initial ». Geneviève Darrieussecq s’était, elle, prononcée pour reprendre la version travaillée par les députés.
Lancée en avril 2024, la stratégie décennale sur les soins palliatifs 2024-2034, dotée de 100 millions d’euros de mesures nouvelles chaque année, nécessite une loi pour se traduire dans les faits. Restent notamment en suspens la création d’une unité de soins palliatifs par département, ou celle des maisons d’accompagnement qui pourraient accueillir des patients graves mais stables. Sans oublier le vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour acter l’enveloppe de 100 millions supplémentaires.
Macron interpellé par les membres de la convention citoyenne
La volonté de dissocier soins palliatifs et aide à mourir, de la part de François Bayrou qui s’est prononcé par le passé contre la seconde, a été interprétée comme une manière de repousser sine die toute réforme de profondeur. D’autant que plusieurs membres du gouvernement sont opposés à l’aide à mourir.
Le président Emmanuel Macron, qui en avait pourtant fait un engagement de campagne, est jusqu’à présent resté silencieux. Mais l’association Les 184, représentant les membres de la convention citoyenne sur la fin de vie, le presse de se positionner, tout en faisant part de sa réticence à l’égard de la proposition de Bayrou. « Une telle scission irait à l’encontre de la complémentarité mise en évidence dans notre rapport (…). De plus, ce découpage contredirait le travail engagé à l’Assemblée nationale sur un projet de loi unique », écrit-elle dans un texte publié dans La Tribune ce 2 février. « Après presque deux ans d’attente, nous rappelons l’engagement solennel du président de la République en faveur d’une seule loi sur la fin de vie », lit-on encore.
À l’Assemblée, 240 députés issus de neuf groupes politiques (sauf RN et UDR de Ciotti) dénoncent dans une lettre ouverte « un véritable risque de diversion pour masquer une volonté d'abandon, (…) une stratégie dilatoire pour reporter aux calendes grecques un texte qui est attendu par des millions de Français », selon les mots d’Olivier Falorni, député Modem, auteur d’une proposition de loi déposée en septembre, co-signée par 239 de ses collègues et reprenant la dernière version avant la dissolution. La présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, co-signataire de la PPL Falorni, a appelé à ne « pas tergiverser » ni distinguer « les deux questions car c'est bien souvent les mêmes personnes » qui sont confrontées à la nécessité de soins palliatifs et au désir d'une éventuelle aide à mourir.
Quelles perspectives désormais ? Le gouvernement n’a pas explicité publiquement ses intentions. Selon Le Monde, le Premier ministre pourrait proposer à Olivier Falorni de scinder en deux la proposition de loi qu’il a déposée en septembre. Si cela évite que les textes ne passent devant le Conseil d’État (ce qui serait le cas si le gouvernement émettait des projets de loi), il reste qu’il faut compter au moins deux semaines de débats à l’Assemblée. Selon la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, l’inscription à l’ordre du jour ne pourra intervenir qu’après le vote du budget, prévu à la mi-février.
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