« Personne n’est épargné », a souligné Julie Salomon, directrice médicale de la plateforme de téléconsultation Qare, lors de la présentation, ce mardi 10 juin, d’une nouvelle étude* édifiante, menée avec l’Ifop auprès d’un échantillon de 4 000 personnes, qui illustre la dégradation particulièrement marquée de l’accès aux soins des Français.
Et pour cause, 71 % des répondants ont déjà éprouvé des difficultés pour accéder à ce « service public essentiel » de la santé, dont 25 % régulièrement. Signe que la situation est particulièrement préoccupante dans ce domaine des soins, les Français sont nettement moins nombreux à galérer pour trouver un logement (41 %), alors que le pays traverse pourtant une crise immobilière. « L’accès aux soins est de très loin le nœud du problème », confirme Jérôme Fourquet, directeur de l’Ifop. C’est aussi en matière de santé que le sentiment de dégradation (76 %) et les attentes (76 %) des citoyens sont les plus forts.
Problématique généralisée
Surtout, les difficultés d’accès aux soins semblent avoir gagné l’ensemble du territoire, au-delà des zonages habituels officiels. Si, sans surprise, 70 % des habitants des zones qualifiées de « déserts médicaux » témoignent avoir expérimenté ces difficultés, ce sentiment est partagé dans les mêmes proportions par les habitants installés ailleurs. De surcroît, concernant ces difficultés ressenties, l’analyse régionale montre un écart réduit entre la province (71 %) et l’Île-de-France (68 %). Pour autant, c’est dans le Centre Val-de-Loire que les habitants rapportent le plus de problèmes d’accès aux soins (86 %) et les Hauts-de-France, le moins (65 %).
Le niveau de revenus est loin de résoudre totalement l’équation : 62 % des répondants ayant des hauts revenus (plus de 3 652 euros par mois) éprouvent des difficultés d’accès aux soins – contre environ les trois quarts des Français issus des classes moyennes inférieures, modestes et pauvres.
Les délais d’attente, principal indice de la dégradation
Plus préoccupant, 76 % des répondants considèrent que l’accès aux soins s’est détérioré ces dix dernières années, un sentiment de dégradation plus important que pour le logement (72 %) et l’emploi (59 %). Plus des deux tiers des personnes subissant des difficultés d’accès aux soins les attribuent à des délais d’attente trop longs, et ce, aussi bien dans les déserts médicaux (68 %) qu’en dehors (70 %). Cette cause identifiée des délais d’attente se place nettement devant la distance trop importante (29 %) et le pouvoir d’achat (28 %)
Au-delà des délais, 72 % des Français déclarent peiner à obtenir un rendez-vous en présentiel avec un spécialiste, 62 % avec un généraliste (y compris à cause de la problématique de médecins qui refusent de nouveaux patients). Corollaire, 67 % des personnes interrogées constatent une dégradation de l'accès aux spécialistes et 63 % font le même constat pour les généralistes. Résultat, 70 % des répondants affirment avoir dû décaler des soins au moins une fois.
Faut-il y voir un signe ? Les trois quarts des Français placent l'amélioration de l'accès aux soins en tête des domaines dans lesquels il leur apparaît urgent d'agir, loin devant l’accès au logement (53 %) et à un emploi (47 %). Et 84 % des Français déclarent que le sujet de l’accès aux soins « comptera dans leur choix de candidat à la prochaine élection présidentielle », devant l’accès à l'emploi (71 %), à l'éducation et la formation (70 %), à un logement (68 %).
67 % des Français prêts à recourir à la téléconsultation
Interrogés sur les solutions qu’ils seraient prêts à utiliser, les Français adoptent une « approche pragmatique », note l’enquête, avec le recours à des solutions à la fois physiques et digitales, dont la prise de RDV en ligne (59 %), les consultations à horaires élargis même si cela implique un surcoût (33 %), les services médicaux mobiles et les services de soins à domicile (à égalité à 29 %) et la téléconsultation vidéo depuis le domicile (27 %). Si moins d’un tiers des Français disent recourir aujourd’hui à la téléconsultation, deux tiers d’entre eux se disent prêts à se lancer avec deux buts principaux : obtenir un premier avis médical (34 %) et accélérer la prise d’un rendez-vous (31 %).
« On a souvent reproché à la téléconsultation d’être une solution pour les actifs urbains alors qu’elle peut être utilisée partout », avance Julie Salomon. Si 73 % des Franciliens sont prêts à recourir aux consultations en visio, cette éventualité est envisagée par 74 % des habitants de l’Occitanie, 71 % dans les Pays de la Loire ou 67 % en Normandie.
Pourtant, la propension d’habitants à recourir aux consultations à distance peine à dépasser les 30 % de la population. Julie Salomon explique ce grand écart par les verrous réglementaires qui pèsent sur cette activité. « Aujourd’hui, les médecins ne peuvent pas faire plus de 20 % de leur activité en téléconsultation, 40 % pour les psychiatres, ce qui n’a pas de sens car on compare cette activité avec des heures passées au bloc pour certains praticiens », déplore-t-elle. Un plaidoyer pro domo pour un des leaders de la téléconsultation en France.
Étude menée auprès d’un panel de 4 007 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus (selon la méthode des quotas), interrogées par questionnaire auto-administré en ligne du 23 au 30 avril 2025
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