Après avoir préparé son plan d’action et tout expliqué à Vincent, Alexandra avait obtenu l’autorisation de quitter le centre le temps du week-end. À son retour le dimanche soir, elle toqua à la porte de la chambre 12. Vincent était prêt pour ce voyage qu’il espérait définitif.
— Alors Alexandra, ça a été douloureux ? Elle défit sa chemise et lui montra son épaule. Il ôta le pansement et admira le tatouage qu’Alexandra avait fait réaliser lors de son escapade.
— Vous savez que le tatoueur qui a fait ce dessin s’appelle Vincent ? J’ai trouvé le clin d’œil ironique.
Le dessin, souvenir de Vincent datant de vingt ans, le représentait embrassant Gloria sur le quai d’une gare. Le décor, finement exécuté, intégrait une porte rouge et or au-dessus de laquelle une horloge de quai indiquait 12 h 12. Un peu en retrait du couple se tenait Alexandra, représentée à l’âge de dix ans.
— Pour ce voyage, je porterai le talisman. Si tout fonctionne comme je l’espère, vous resterez avec Gloria, et moi je repartirai dans le présent. Ce jour-là, vous avez retrouvé votre femme au train de 12 h 12 en gare de Belgrade. Vous n’aviez pas encore sauvé le jeune garçon et ne disposiez pas du talisman. Sans lui, pas d’histoire, pas de prédiction et pas de raison pour Gloria d’entreprendre un voyage dans le camp de réfugiés. Alors, si vous êtes prêt, je le suis aussi.
Alexandra plaça le pendentif sur son épaule. Vincent l’aida à se lever et la tint fermement dans ses bras. Ils ne devaient pas rompre le contact tant qu’ils n’avaient pas traversé. Ils visualisèrent le dessin en détail. Le pendentif oscilla légèrement, diffusant sa lumière bleutée qui enveloppa leurs deux corps d’un halo irisé.
Ils étaient passés de l’autre côté et se trouvaient sur le quai de la gare. Avant de lâcher ses mains, Vincent regarda une dernière fois Alexandra, ou plutôt la petite fille qu’elle était à l’époque de son souvenir. Alexandra avait déduit que seul le porteur du talisman était invisible. Une fois le contact physique rompu, Vincent pourrait se matérialiser dans son souvenir et interagir.
— J’ignore de quoi je me souviendrai après avoir lâché vos mains, mais je vous remercie infiniment de m’avoir écouté et d’avoir fait ce voyage avec moi.
— Je ne vous oublierai jamais Vincent. Il est 12 h 12, le train arrive en gare, il est temps de lâcher mes mains et de retrouver Gloria.
Tout se déroula comme Alexandra l’avait espéré. Dès lors qu’il lâcha ses mains, Vincent prit corps dans cet espace-temps et accueillit Gloria qui lui souriait en courant vers lui. Ils s’enlacèrent dans la posture exacte du tatouage…
Quand Alexandra se réveilla, elle n’était pas dans la chambre 12 du centre de réadaptation, mais allongée sur le lit de camp de la salle de repos des urgences. En se redressant, elle chercha son fauteuil mais ne le vit pas. Elle comprit aussitôt que leur incursion dans le passé avait modifié son présent à elle. Elle pouvait bouger ses jambes sans la moindre douleur. Le cœur battant à tout rompre, elle s’approcha du tableau des tours de garde accroché sur la porte et vit qu’elle était revenue plus de deux mois en arrière. Dans ce nouvel espace-temps, elle n’avait pas eu d’accident de scooter. À son cou, un pendentif en forme d’œuf irradiait encore d’une lumière bleutée. Le patient de la chambre 12 avait emmené Alexandra bien au-delà de ses espoirs, juste assez loin pour qu’elle croie en la magie de l’histoire et change à jamais le cours de leurs vies.
Prochaine « Histoire courte » dans notre édition du 17 mai
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#4 : Des indices tatoués
#1 : Alexandra fait une rencontre
#5 : La Porte rouge et or
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