Plébiscitées par les pouvoirs publics, les infirmières en pratique avancée (IPA), dont les missions ont été définies par décret en 2018, prennent leur place progressivement au sein des services hospitaliers et, dans une moindre mesure, des cabinets de ville. Objectif recherché avec la création de ce nouveau métier : améliorer l'accès aux soins ainsi que la qualité des parcours des patients en réduisant la charge de travail des médecins sur des pathologies ciblées.
Pour connaître la vision des médecins généralistes sur ce dispositif, une étude qualitative a été menée par BVA pour la Cnam entre le 25 janvier et le 8 février derniers. L'institut de sondage a interrogé un échantillon de douze médecins généralistes dont sept ont collaboré avec des IPA. Les résultats ont été présentés aux syndicats de médecin libéraux lors d'une réunion de la commission paritaire nationale, fin mars.
Gain en temps médical
Qu'apprend-on ? La perception de l'activité d'IPA par les généralistes est ambivalente. D'un côté, l'arrivée de ces professionnels présente des avantages. Servant de « relais possible pour le suivi des pathologies chroniques » et de « délégation des visites à domicile », ces super infirmiers font indubitablement gagner du temps médical. Grâce à cette « décharge », les praticiens « entrevoient la possibilité d'ouvrir leur consultation à de nouveaux patients et/ou de laisser plus de place à la pathologie aiguë ». Ce « soutien » est donc bienvenu pour les médecins exerçant dans les zones déficitaires, mais également dans les zones urbaines, dans un contexte de recherche d’un successeur en cas de départ par exemple. Autre point positif : le facteur humain. L'IPA est présentée comme un « collaborateur de confiance » sur lequel les médecins peuvent s’appuyer et avec qui échanger.
En même temps, les praticiens ont évoqué plusieurs freins dont un premier lieu la méconnaissance du dispositif. Une partie de la profession ne perçoit « pas ou peu » de bénéfices « au regard de la pratique actuelle » notamment parce que la coordination peut être jugée contraignante ou qu'il y a des effets de doublon. Pis, ils pointent du doigt « une atteinte au métier de médecin généraliste ». L'étude relève « le sentiment d’un métier qui empiète sur les prérogatives du médecin généraliste », une « question de légitimité de l’IPA qui tendrait à se rapprocher de la pratique du généraliste sous certains aspects » et des crispations autour du développement de nouveaux métiers pour résoudre la pénurie médicale. « Comme il n'y a plus de médecins, on cherche d'autres possibilités, comme d'habitude ! Au lieu de former des médecins », témoigne un généraliste qui ne travaille pas avec un IPA.
Points de crispation après expérience
Et même après avoir exercé avec des IPA, des points de crispation demeurent, notamment sur le « contour concret du rôle et du champ d'action » de ces paramédicaux. Aux yeux des médecins, il reste des limites à définir sur les possibilités d’adaptation des traitements et de primoprescriptions par ces super-infirmières ainsi que des périmètres d'intervention afin d'éviter tout chevauchement avec les autres professionnels de santé « comme les infirmières Asalée pour l’éducation thérapeutique, les IDE pour les soins ou les pharmaciens pour le renouvellement d’ordonnances ».
Par ailleurs, ils ont aussi jugé la « consultation trimestrielle » comme « inadaptée à la pratique ». Les suivis des patients chroniques sont en effet « plus exigeants » et « demandent davantage d’attention et de temps ». Du coup, même pour des cas stabilisés, les généralistes estiment que « des situations peuvent se complexifier ponctuellement ».
Cette collaboration implique aussi une organisation à mettre en place qui est vécue comme contraignante par les généralistes interrogés. Cela nécessite en effet que le médecin identifie avec l'IPA le bon niveau d'échanges (comptes rendus via le logiciel du médecin ou par mail, échanges informels et oraux, réunions régulières pour un point global…). « La difficulté, ça a été de trouver un moyen de communication entre nous, alors on a créé un compte sur Mailiz Santé, ça nous a permis de communiquer par le biais de ces mails mais on s’est vite rendu compte que c’était compliqué parce qu’ensuite il fallait que j’incorpore tout au dossier du patient, témoigne un généraliste cité dans l'étude. Finalement elle a pu obtenir une licence sur mon logiciel, qu’elle a payée, et de mon côté j’ai acheté un portable que j’emporte en visite pour rentrer les infos dans mon logiciel et mettre des consignes à l’IPA. On a bien tâtonné ».
En pratique, « s’accorder, dégager du temps et être rigoureux dans le passage d’information est loin d’être évident », lit-on effectivement dans l'étude. Or les temps de communication « chronophages et non rémunérés » n'incitent pas les médecins à s'engager dans le processus.
Soutien financier
Au final, les médecins généralistes sont en demande d'informations et de soutien autour de trois axes. Ils souhaitent des explications sur les compétences, le statut de l’IPA ainsi que son intégration dans le suivi du patient et l'organisation du cabinet. Sur les zones floues concernant la capacité d’adaptation des traitements et les primoprescriptions médicamenteuses, ils réclament des éclaircissements. Enfin, pour pérenniser la collaboration avec les IPA, ils demandent un soutien financier via une valorisation des temps de coordination tant pour le médecin que pour l’IPA ou encore des aides à l’installation (IPA et médecin) afin de favoriser l’accueil en structure (travaux d’aménagement, achat d’une licence de logiciel).
L’Académie pointe les disparités de l’offre de soins en cancérologie
Un carnet de santé numérique privé ? L’onglet de Doctolib jette le trouble, jusqu'au ministère
Le retour à l’hôpital d’une généraliste après 25 ans de libéral
AP-HP, doyens, libéraux : pourquoi le secteur médical quitte X (ex-Twitter) au profit de Bluesky ?