« Les conditions ne sont pas réunies pour aller plus loin dans ces négociations et envisager une signature avant la fin de l'année ». Dans un entretien au « Quotidien » ce mercredi, le directeur général de la CNAM, Thomas Fatôme, annonce qu'il n'y aura pas d'accord à court terme sur l'avenant 9 à la convention portant sur les visites, les spécialités cliniques ou les soins non programmés. Les négociations sont suspendues et renvoyées après les élections professionnelles du printemps. Le DG « regrette » cette situation de blocage qui aboutit à repousser les revalorisations dans le cadre de cet avenant.
LE QUOTIDIEN : Les négociations avec les médecins libéraux ont été ouvertes mi-septembre sur les soins non programmés, les visites, les spécialités et le numérique en santé. D’ultimes réunions bilatérales avec les syndicats viennent de se tenir pour trouver un compromis sur cet avenant 9 à la convention médicale. Quel est le résultat ? Allez-vous pouvoir signer un accord ?
THOMAS FATOME : Nous avons eu des échanges approfondis et de qualité avec chacun des syndicats représentatifs la semaine dernière pour analyser les propositions que nous avions faites [pour un montant global de 549 millions d’euros, NDLR].
Mais malgré la qualité de ce dialogue, je constate aujourd’hui que les conditions ne sont pas réunies pour aller plus loin dans ces négociations et envisager une signature avant la fin de l’année. C’est la raison pour laquelle nous mettons ces négociations sur « pause » pour laisser la place à la campagne électorale [aux URPS] et la préparation de ces élections professionnelles [prévues du 31 mars au 7 avril]. Nous réenclencherons nos discussions à l’issue de ces élections.
La décision est donc prise ? Il n’y a aucun compromis possible à ce stade ?
Je constate que nous avons une convergence de vues avec les syndicats sur plusieurs sujets de fond : l’idée de valoriser les visites gériatriques, d’organiser un système de soins non programmés avec une régulation d’un côté et des médecins effecteurs de l’autre, la nécessité de revaloriser les spécialités cliniques qui courent un risque de perte d’attractivité. C’est un texte qui embarquait des ambitions importantes sur plusieurs sujets clés. Mais malgré cela, on ne peut pas envisager, dans le contexte électoral qui se rapproche chaque jour, de signer cet avenant n°9 à très court terme.
Les travaux techniques vont néanmoins continuer, notamment sur les soins non programmés au travers des expérimentations sur le service d’accès aux soins [SAS] et sur le numérique en santé avec une feuille de route très significative.
Quels sont les points de blocage qui empêchent la conclusion d’un accord aujourd’hui ?
J’ai eu le sentiment de pousser les murs, y compris sur le cadrage financier. Nous avons mis sur la table un projet d’avenant à plus de 550 millions d’euros, ce qui dépassait largement l’enveloppe initiale. Pour un avenant conventionnel, c’est un montant considérable. De plus, nous ne sommes pas restés campés sur nos positions. De son côté, le gouvernement a ouvert la porte pour que les revalorisations tarifaires issues de cet avenant interviennent très rapidement en dérogeant à la fameuse règle des six mois [de stabilisateurs automatiques, NDLR]. Du côté des pouvoirs publics, il y a eu une volonté d’essayer de trouver une voie de passage.
Hélas, je vois qu’il n’y a pas d’appétence pour des signatures syndicales dans le contexte actuel. Je le comprends mais je le regrette : dans l’histoire conventionnelle, il existe peu d’avenants qui avaient une telle ambition ! Mais entre la crise Covid et les élections professionnelles chez les médecins libéraux, l’exercice était particulièrement difficile. Cela étant, je parle bien d’une pause, d’une suspension des discussions avec les médecins.
Avez-vous été trop ambitieux en imaginant un accord majoritaire avant Noël ?
Je ne crois pas. Il était pertinent d’essayer d’aller vite dans le contexte de la crise Covid pour accompagner les médecins. Mais la proximité des élections a brouillé les repères et rendu difficile les signatures. De fait, cela repousse plusieurs revalorisations qui étaient envisagées dans le cadre de cet avenant, et je suis le premier à le regretter. J'espère que les élections passées permettront un travail plus serein, moins sous pression de cette compétition électorale, et qui permette de construire dans la durée.
Un investissement financier supplémentaire sera-t-il possible ?
Nous verrons bien au printemps, je ne peux pas me projeter pour l'instant. J’ai partagé avec les syndicats le fait qu'il y avait déjà beaucoup d'argent sur la table avec une mise en œuvre potentiellement rapide mais je constate qu'il n'y a pas de voie de passage. Aujourd’hui, je ne suis pas certain qu’ajouter de l'argent aurait abouti à une signature… .
Justement, à quelle date reprendrez-vous les négociations ?
Après les élections, il y aura d’abord une enquête de représentativité, il faudra réenclencher les discussions au plus vite. Cela pourrait nous amener jusqu’à l'été 2021, je l'ai dit aux organisations professionnelles.
Espérez-vous que le nouveau paysage syndical qui sortira des urnes sera plus favorable à un accord ?
Par définition, je n’ai pas de préférence et je ne fais pas de pronostic électoral. Cette élection est un moment important de la vie démocratique pour les professionnels de santé libéraux. À eux de mener cette campagne.
Avez-vous eu des contacts avec le gouvernement ? Comment ce blocage est-il perçu ?
Comme dans toute discussion conventionnelle, les échanges sont constants avec le ministre de la Santé et ses équipes. C'est d’ailleurs pour donner une chance à la négociation que le gouvernement a fait adopter un amendement pour déroger à la règle des six mois de stabilisateurs économiques. Mais ne dramatisons pas la situation. Laissons les élections se dérouler pour enclencher la discussion dans un environnement différent qui, j'espère, sera propice à la signature.
D'autres avenants pourraient-ils être négociés avec les médecins avant 2023, date lointaine programmée pour la conclusion d'une nouvelle convention ?
On ne va pas commencer à cadrer l'exercice qui vient après. À chaque jour suffit sa peine.
Une autre négociation, interprofessionnelle cette fois, est en cours : sur l'exercice coordonné, quelle est la situation ? Espérez-vous signer un avenant à l’ACI CPTS avant la fin de l'année ?
Sur l’ACI et l’exercice coordonné, nous continuons les discussions qui sont bien engagées. Je vais inviter les partenaires dès la semaine prochaine et mettre de nouvelles propositions sur la table. J’espère que nous trouverons une issue conventionnelle rapide. Je souhaite vraiment signer cet avenant. Nos propositions de soutien renforcé aux communautés professionnelles territoriales de santé sont, je crois, jugées positivement.
Et sur les équipes de soins ?
Concernant les équipes de soins primaires et les équipes de soins spécialisés, je ferai de nouvelles propositions la semaine prochaine. Il s'agit davantage d'une discussion de fond sur le contenu de ces équipes et leur mode de fonctionnement que sur le montant de l'enveloppe. Nous devons trouver le bon « formalisme » de ces équipes à la fois souple et adapté pour que cette coordination produise des résultats escomptés. Nous ne souhaitons pas construire un système rigide, avec l'obligation pour elles de se constituer en association ou en SISA (société interprofessionnelle en soins ambulatoires).
Pour avancer sur ce dossier, qui est resté trop théorique, je proposerai de tester différentes formules d'équipes de soins. Nous souhaitons aussi travailler sur ces équipes de soins dans le cadre de l’ACIP.
Avec les négociations qui se prolongent, ne craignez-vous pas une forme de coupure entre les médecins libéraux et le système conventionnel ?
J'ai senti du côté des syndicats un attachement toujours fort à la vie conventionnelle. Mais cela s'accommode mal avec la proximité des élections professionnelles qui sont, comme dans les périodes d'élections politiques, des moments où l'action publique peut marquer une forme de pause.
Aujourd'hui, nous suspendons la négociation de l’avenant 9 mais l'Assurance-maladie reste à côté des médecins sur de nombreux sujets comme les compensations de pertes d'activité pour les praticiens libéraux exerçant en clinique, la prise en charge des personnes vulnérables, l'accompagnement sur la vaccination anti-Covid, sur les tests antigéniques et le contact tracing.
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