Initialement, la proposition de loi « visant à faire évoluer les missions dévolues aux infirmiers et aux infirmières » devait être portée par l’ex-députée Charlotte Parmentier-Lecoq. Mais c’était sans compter sur la dissolution et une recomposition de l’Assemblée nationale. Ce texte de deux articles a été finalement déposé par l’ex-ministre de la Santé et député (Horizons) Frédéric Valletoux en tandem avec la députée Nicole Dubré-Chirat (EPR) le lundi 18 novembre.
L’article premier entend redéfinir la profession d’infirmier diplômé d’État, en précisant dans le code de la santé publique ses quatre missions socles : « la réalisation de soins et leur évaluation, le suivi du parcours de santé, la prévention et la participation à la formation ». Le texte renvoie à un décret en Conseil d’État la définition des domaines d’activité et de compétences de l’infirmier. Par ailleurs, pour chacun de ces domaines d’activité, c’est le ministre lui-même qui devra prendre par arrêté la liste des actes et soins réalisés par ces paramédicaux.
Modifier la définition de l'exercice illégal de la médecine
Outre ses missions socles, l’article prévoit aussi la création « d’une consultation infirmière » – cheval de bataille de Frédéric Valletoux – en lien direct avec le diagnostic posé par l’infirmier et l’ouverture plus large du droit de « prescription à des produits de santé et des examens médicaux » dont la liste précise sera déterminée par arrêté ministériel, après avis de l’Académie nationale de médecine.
Si aujourd’hui, les infirmiers ont déjà la possibilité de prescrire dans quelques domaines (substituts nicotiniques, dispositifs médicaux, contraceptifs oraux en renouvellement, pansements), Frédéric Valletoux avait exprimé le souhait dans un entretien avec La Tribune Dimanche d’« amplifier » et d’« élargir » ce mouvement, sans empiéter sur les platebandes des médecins, avait-il promis. Pour sécuriser l’exercice des infirmiers, la PPL devrait modifier aussi la définition de l'exercice illégal de la médecine.
Le second article vise à « faire évoluer la pratique avancée » (IPA, infirmières titulaires d'un master spécialisé, dans certains domaines d'activité précis), en autorisant ces paramédicaux à exercer dans « trois lieux d'exercice supplémentaires ». Outre les maisons de santé, les centres de santé, les hôpitaux, les IPA pourront ainsi travailler dans les services de protection maternelle et infantile (PMI), de santé scolaire et d'aide sociale à l'enfance.
Des pratiques en silo ?
Déjà très remontés contre le décret IPA, les syndicats de médecins libéraux sont sur le qui-vive à la suite de cette nouvelle initiative parlementaire et attendent de connaître encore le détail des textes annoncés. Le Dr Luc Duquesnel, président de la branche généraliste de la CSMF, rappelle que « les compétences ne se transfèrent pas, elles s’acquièrent ». « Si c’est pour apprendre à faire des diagnostics et à prescrire des médicaments, il y a les études de médecine qui font dix ans », ajoute le généraliste de Mayenne. Pour le syndicaliste, la demande « d’autonomie » des infirmiers peut être satisfaite localement dans « le cadre d’un exercice coordonné », où médecins et paramédicaux échangent et formalisent leur articulation dans la prise en charge des patients.
Les compétences ne se transfèrent pas, elles s’acquièrent
Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF
De son côté, MG France rappelle que sa position n’est pas « de s’opposer aux évolutions du métier des infirmiers. « Mais le diable est dans le détail, cadre le Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint du syndicat. Il faut attendre de voir le contenu des textes et nous serons très vigilants. S’il s’agit des accès directs ou des pratiques en silo sans aucun cadre de coopération avec les médecins généralistes traitants, cela n’ira pas », avertit le généraliste de Feytiat (Haute-Vienne). La colère est palpable du côté de l’UFML-S. Son président, le Dr Jérôme Marty, estime que « c’est encore du bricolage, de la dégradation des soins, de la médecine. Et puis, les infirmiers auront-ils du temps pour faire tout cela ? », tempête le généraliste de Fronton.
En tout cas, cette annonce redonne de l’espoir aux représentants des infirmiers qui œuvrent depuis plusieurs années pour une meilleure reconnaissance de cette profession. Le Syndicat national des infirmières et infirmiers (Sniil) évoque « un tournant essentiel » pour les paramédicaux. Néanmoins, il reste « vigilant » sur le contenu final du texte, « qui doit conduire à plus d’autonomie pour la profession et à plus de reconnaissance de ses compétences ». Idem pour l’Ordre des infirmiers qui salue dans un message sur le réseau X cette réforme « très attendue » par les infirmiers et « bénéfique » pour l’accès aux soins.
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