Top départ pour l’examen du projet de loi de lutte contre les fraudes sociales et fiscales à l’Assemblée nationale. Discuté par les députés de la commission des Affaires sociales – après avoir été adopté le 18 novembre 2025 au Sénat en procédure accélérée – le texte prévoit un article (déjà adopté en commission) qui inquiète les médecins.
Cet article 17 ouvre la possibilité d’une mise sous objectif (MSO) directe des prescriptions d’IJ imposée en première intention, et non plus seulement en cas de refus de la mise sous accord préalable (MSAP), par les directeurs des caisses primaires. Une disposition défendue par le gouvernement dans une logique de « responsabilisation » des médecins « surprescripteurs » d’indemnités journalières.
L’exécutif juge en effet le mécanisme efficace : les contrôles MSAP/MSO des médecins généralistes sur la période 2023/2024 auraient permis d’économiser 160 millions d’euros sur les dépenses IJ, un poste en augmentation constante (+27,9 % entre 2019 et 2023).
Syndicats en alerte
« Du point de vue de la Cnam, c’est un gain de temps pour ses services, avec une procédure moins longue et moins lourde. Un objectif est fixé et, s’il n’est pas tenu, ils pénalisent ! », décrypte le Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire adjoint de MG France, qui rejette au demeurant les modalités de ciblage des « surprescripteurs » par la Cnam. Pour freiner ces dépenses d’arrêts maladie, son syndicat défend plutôt un système de bonus/malus sur les cotisations visant les employeurs. Ainsi, « les entreprises à forte sinistralité seraient pénalisées, engageant la responsabilité des employeurs qui ne protègent pas assez la santé de leurs salariés », avance le généraliste, qui confie avoir fait passer des amendements pour que cette MSO imposée en première intention ne voie jamais le jour.
Même critique du côté du Dr Marcel Garrigou-Grandchamp, de la cellule juridique de la FMF, qui prévient qu’une action juridique sera lancée si cette disposition est définitivement adoptée, au titre d’une « mesure administrative abusive ». Au-delà de son désaccord avec la procédure, le généraliste lyonnais craint qu’une telle mesure de MSO obligatoire ne décourage les jeunes à s’installer en libéral et les médecins retraités à reprendre du service.
Neuder et Bazin à la rescousse ?
Les députés entendent amender ce texte. Le rapporteur général Thibault Bazin et l’ancien ministre de la Santé Yannick Neuder (LR) ont conjointement porté un amendement visant à introduire « un filtre qualitatif préalable » de l’Ordre des médecins avant toute décision de la Cnam de placer un médecin sous MSAP ou MSO. Dans leur exposé des motifs, ces deux experts santé pointent que « la mécanique envisagée demeure trop homogène et risque de ne pas prendre en compte des situations parfaitement légitimes », comme celles de médecins à forte file active, dont l’activité justifie mécaniquement un nombre élevé d’IJ.
Les deux députés de droite ont également défendu un amendement précisant les modalités par lesquelles le médecin sous surveillance peut faire valoir ses observations, « par écrit ou lors d’un entretien avec le directeur de la caisse ». Il prévoit que « la poursuite de la procédure ne peut intervenir qu’après qu’une réponse écrite, quelle qu’en soit la teneur, a été apportée par l’organisme local d’Assurance-maladie », dans un délai contradictoire d’un mois entre la notification de la décision de MSO et sa mise en œuvre effective. « Une garantie minimale, respectueuse des droits de la défense et cohérente avec le principe général du contradictoire », peut-on lire dans l’exposé des motifs des élus qui notent qu’il « serait judicieux de rassurer les professionnels de santé ».
Une disposition « déjà prévue dans la partie réglementaire », a objecté le rapporteur du texte Patrick Hetzel (LR). Ce dernier a rappelé que près de 26 % des MSO ont été abandonnées suite à la phase contradictoire en 2023-2024. Sa logique étant de « faire de la MSO une étape indispensable » alors que la procédure de MSAP, chronophage, « mobilise de manière très forte les services de contrôle de santé ».
Conséquences disproportionnées
Une partie de la gauche a proposé en vain en commission de supprimer cette mesure de MSO obligatoire en cas de prescriptions excessives, argumentant que ces campagnes de contrôles « ciblent les malades et les médecins au lieu d’aller traiter les causes des arrêts maladie ». Le député insoumis Louis Boyard a fait valoir que les arrêts sont prescrits quand « le corps ne suit plus » ; les réduire irait « contre l’intérêt » de la santé des Français. Le Dr Paul-André Colombani (Liot) a lui aussi défendu sans succès un amendement de suppression de l’article dans sa globalité, soulevant des « sanctions particulièrement lourdes » contre les soignants, aux conséquences « disproportionnées » pour les patients.
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