« Sous-utilisés », « effets d’aubaine » : les contrats d’aide à l’installation ont-ils du plomb dans l’aile ?

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Publié le 11/06/2025
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Mises en place pour inciter les médecins à s’installer dans les zones d’intervention prioritaires, les multiples aides financières conventionnelles et de l’État s’empilent, sans réelle efficacité, ont constaté ce mercredi 11 juin plusieurs députés chargés de leur évaluation.

Crédit photo : Garo/Phanie

L’heure du grand ménage des aides à l’installation des médecins a-t-elle sonné ? C’est en tout cas la volonté affichée de deux députés, Jean-François Rousset (EPR, Aveyron) et Yannick Monnet (GDR, Allier). Ces derniers ont présenté ce mercredi matin en commission des Affaires sociales leur rapport relatif aux aides financières à l’installation des médecins. Ils se sont surtout concentrés sur les effets de l’article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale 2020. Cet article a en effet créé le cadre juridique pour le contrat de début d’exercice (CDE).

D’une durée de trois ans et non renouvelable, le CDE a remplacé les quatre contrats incitatifs qui existaient jusque-là et déployés sous le quinquennat Hollande : praticien territorial de médecine générale (PTMG), ambulatoire (PTMA), de remplacement (PTMR) et praticien isolé à activité saisonnière (PIAS), jugés peu efficaces.

Par ailleurs, cet article a aussi créé une prise en charge intégrale des cotisations sociales dans la limite de 80 000 euros de revenus conventionnés pour les jeunes médecins en zones sous-dotées.

Outre ces deux dispositifs, les deux députés ont aussi évalué les aides conventionnelles suivantes : le CAIM (contrat d’aide à l’installation des médecins, jusque-là de 50 000 euros), le CSTM (contrat de stabilisation et de coordination, jusqu’à 20 000 euros par an) et le Coscom (solidarité territoriale jusqu’à 5 000 euros par an).

Absence d’informations des jeunes médecins

« Toutes ces aides sont le plus souvent sous-utilisées, marquées par de réels effets d’aubaine et ne sont pas déterminantes dans les décisions d'installation. Tous nous l’ont dit, médecins, élus, patients », lance d’emblée Jean-François Rousset, par ailleurs chirurgien. De fait, le faible taux de recours au contrat de début d’exercice est « de 8 à 10 % du fait d'une absence d'information suffisante des jeunes médecins sur les types d'aides disponibles ».

Par ailleurs, surenchérit son collègue Yannick Monnet, le montant cumulé des deux dispositifs créés par l'article 51 depuis 2020 est estimé à hauteur « de 11 millions d'euros », qui viennent en complément des allégements de cotisations sociales de droit commun. « Songez par exemple que pour l'ensemble des médecins relevant des tarifs de la convention médicale, la prise en charge des cotisations prévues coûte 1,3 milliard d'euros à l’Assurance-maladie », poursuit le député Monnet.

« Les médecins libéraux constituent certainement la profession libérale la plus subventionnée de France »

Yannick Monnet, député de l’Allier (GDR)

Et pour quel résultat ? 19 % des médecins généralistes et 11 % des médecins spécialistes sont installés en zone d'intervention prioritaire (ZIP), selon les rapporteurs. « Les médecins libéraux constituent certainement la profession libérale la plus subventionnée de France. L'enjeu consiste donc à mieux dépenser ces crédits afin que les aides financières à l'installation puissent enfin contribuer à résorber la fracture médicale », plaide Yannick Monnet. De fait, les deux députés proposent notamment de « supprimer progressivement le contrat de début d’exercice », de remplacer les aides directes par un soutien financier plus large aux territoires sous-dotés en octroyant des crédits supplémentaires aux ARS dans le cadre de leurs fonds d'intervention régional (FIR) ou encore de généraliser les guichets d’aide à l’installation au niveau départemental.

En plein débat parlementaire sur l’accès aux soins (PPL Garot, PPL Mouiller), les conclusions de cette évaluation ont été largement saluées par les députés de tous bords. Reste encore à s’entendre sur les solutions à prendre. « Faut-il supprimer ce contrat de début d’exercice ? s’interroge le député de la Meurthe-et-Moselle Thibault Bazin (Droite républicaine) « Quelles économies attendre ? Sur les aides proposées par les collectivités territoriales, y a-t-il un risque de concurrence ? Une régulation est-elle prévue par la Cnam et la DGOS (service du ministère de la Santé, NDLR) ? », poursuit celui qui est aussi rapporteur général de la commission des Affaires sociales.

Puisque l’incitation financière n’est pas déterminante dans le choix d’installation des médecins, « pourquoi ne pas gérer le parcours professionnel des médecins comme une gestion de carrière », lance Sandrine Rousseau, député Écologiste et social de Paris. Quant au député LFI de la Haute-Garonne Hadrien Clouet, la solution est pour lui toute trouvée. « Puisque 78 % des médecins déclarent que cette aide n’a pas été déterminante dans leur décision de s’installer, ne faut-il pas éteindre ces dispositifs d’aide et réguler l’installation ? »

Un taux de recours aux contrats conventionnels faible

Face à l’offensive parlementaire, Delphine Champetier de Ribes, adjointe au directeur de la Sécurité sociale, dit partager pleinement les constats et la complexité des contrats d’aide à l’installation. Néanmoins, « le coût paraît élevé mais […] cela permet à des territoires sous-denses de bénéficier de renfort », estime-t-elle.

À ses côtés, le directeur de l’offre de soins de la Cnam, Emmanuel Frère-Lecoutre, se défend. La nouvelle convention médicale a en effet changé de logique. À partir du 1er janvier 2026, au lieu d’une aide unique de 50 000 euros en début d’exercice, le médecin installé en ZIP va recevoir une subvention de 10 000 euros et une majoration du forfait médecin traitant pendant trois ans (50 % de la majoration, 30 % et 10 %) puis de 10 % tout le long de la carrière. « C’est une aide transverse et connue de tous », déclare le directeur de l’offre de soins. À voir à l’usage.


Source : lequotidiendumedecin.fr