En France, l’approche de la maladie rénale chronique (MRC) est principalement axée sur le traitement de la suppléance des patients (dialyse et greffe) à un stade avancé de la maladie. « Or 30 % des premières séances de dialyse sont faites en urgence. Et 40 % de patients n'ont pas vu de néphrologue dans l'année précédant leur première séance de dialyse. Donc on a un problème de dépistage et de prévention », explique le Dr Jean-Paul Ortiz, président d’honneur du Syndicat des néphrologues libéraux (SNL) et ancien patron de la CSMF. Face à cette maladie souvent silencieuse, le SNL porte de façon inédite un projet d’expérimentation (article 51) qui consiste à mettre en œuvre un suivi ambulatoire de cette pathologie.
Appelée Pro IRC, l’expérimentation a été autorisée en 2023 et lancée en mars 2024 dans les Hauts-de-France, en Île-de-France et en Occitanie. L’idée est de faciliter le plus tôt possible l’accès aux soins néphrologiques et à un suivi individualisé des patients éligibles du stade 3B (insuffisance rénale modérée) au stade 4 (sévère) puis 5 (terminal) par une équipe pluriprofessionnelle composée d’un néphrologue libéral, une infirmière, un diététicien et un psychologue si besoin. L’intervention d’autres professionnels (assistant social, professionnel en activité physique adaptée, etc.) est aussi possible en fonction des patients. « Nous voulons coordonner la prise en charge avec le médecin traitant, en lien avec les maisons de santé et les CPTS, afin de retarder l’évolution de la maladie et de la suppléance » poursuit le Dr Ortiz.
Suivi en trois temps sur protocole
Dans ce cadre expérimental, chaque équipe constituée en association définit son propre fonctionnement (statut libéral ou salarié de l’infirmier ou du diététicien, par exemple). Le parcours du patient inclus est protocolisé et se fait en trois temps. Une première consultation s’effectue avec le néphrologue, à la suite d’un suivi habituel ou à la demande du médecin traitant après les résultats biologiques évoquant une MRC. L’infirmier se charge ensuite d’identifier les besoins (diagnostic éducatif, éducation thérapeutique, soutien psychologique, conseils diététiques) puis d’établir sur la base d’un protocole un plan personnalisé de soins adapté.
Ce plan, validé par le néphrologue, comprend des consultations diététiques et des examens complémentaires (bilans biologiques, échographiques, cardiologiques, etc.). « Le rôle de la diététicienne est très important parce qu'on a prouvé que les excès, en particulier en protéines, en viande, étaient un facteur de dégradation de la fonction rénale », analyse le Dr Ortiz. Mais au-delà des conseils de l'équipe sur le diabète, l'arrêt du tabac et l’immuno-diététique, le néphrologue évoque aussi une nouvelle classe de médicaments, les gliflozines, efficaces pour ralentir la vitesse de dégradation rénale. Dans ce protocole, la fréquence du suivi du patient par le spécialiste dépend du stade du malade : une fois par an pour le stade 3B, deux fois pour le 4 et trois fois pour le 5.
Le rôle de la diététicienne est très important car on a prouvé que les excès étaient un facteur de dégradation de la fonction rénale
Dr Jean-Paul Ortiz, président d’honneur du Syndicat des néphrologues libéraux
Le médecin traitant dans la boucle
Pour faciliter l’accès aux néphrologues, l’expérimentation s’effectue sur des sites différents (déplacement dans des maisons de santé ou des locaux mis à disposition par les collectivités territoriales et non à domicile des patients). En Île-de-France, par exemple, l’équipe du Dr Christophe Goupy, président du SNL, qui a démarré ce test depuis mars 2024, a déjà inclus « 81 patients à Paris et 70 à Mantes-la-Jolie » (Yvelines). Pour chacun, l’équipe envoie « systématiquement » un courrier et un mail au médecin traitant pour l’informer de la démarche expérimentale, ainsi qu’un compte rendu et une lettre de suivi. « Jusqu’à présent, explique le néphrologue, je n’ai pas reçu de demande d’explication de la part des médecins traitants. La difficulté actuelle est d’avoir leur retour pour savoir ce qu’ils en pensent. »
Entre les membres de l'équipe, les échanges sont formalisés via un logiciel spécifique. Des réunions régulières sont organisées sur site ou en visio. « Ce n'est pas toujours simple, reconnaît le Dr Goupy, car nous ne sommes pas tous au même endroit. Mais quand un patient pose vraiment problème en consultation avec l'infirmière et la diététicienne, alors nous y allons. »
La Cnam finance cette expérimentation de cinq ans à hauteur de trois montants de forfait annuel prévus par patient : 112 euros (stade 3B), 270 euros (stade 4) et 367 euros (stade 5). À ce jour, 931 patients ont été inclus sur un objectif total de 2 500 malades. Ces rémunérations forfaitaires permettent aux équipes de financer le secrétariat, les infirmiers, les diététiciens et tous les frais annexes.
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