Préoccupée par l’impact du dérèglement climatique, un temps membre d’Extinction Rebellion, la Dr Mélanie Popoff promeut depuis quelques années la santé environnementale et l’éducation à la santé au sein de l’Alliance Santé Planétaire dont elle est une des cofondatrices. La jeune médecin scolaire bordelaise se réjouit que les futures générations de médecins soient désormais initiées pendant leurs études au concept « One Health » et aux limites planétaires.
Sa vie a basculé sans qu’elle s’en rende vraiment compte un jour de juillet 2017 à la lecture d’un article du New York Magazine titré « la Terre condamnée ». Il y était question des réactions en cascade liées au réchauffement climatique, de la montée des eaux, des famines et des mouvements de populations, de l’émergence de nouvelles épidémies… « Cet article a eu un effet choc sur moi, j’ai eu des insomnies pendant deux mois. J’ai pris conscience des dangers qui frappaient la planète. J’ai commencé à avoir un regard plus politique et à m’interroger sur mon mode de vie. J’ai aussi recherché du sens dans mon métier de médecin. » Mélanie Popoff a alors 30 ans, elle vient de quitter l’hôpital public après six ans à Garches en médecine physique et de réadaptation, en tant qu’interne puis chef de clinique.
L’écolo de service
Elle était déjà très sensible à l’environnement. « Je cassais les pieds de mon service pour que l’on fasse du compost en salle de garde, qu’on arrête les barquettes en plastique à la cantine. J’étais un peu "Mélanie la Hippie", l’écolo de service », se souvient-elle. Son temps libre, elle l’occupe alors à nettoyer des plages, ou à participer à l’opération zéro déchet au canal de l’Ourcq. Elle était déjà verte, elle devient mûre. Son envie de s’engager est décuplée. La jeune femme devient végétarienne, vide sa maison du superflu, arrête de prendre l’avion.
L’éco-anxiété peut en bloquer certains ; pour Mélanie Popoff, elle a eu l’effet inverse.
Une parenthèse d’activisme
Exilée en Aquitaine en 2018, elle intègre le groupe bordelais d’Extinction Rebellion. C’est l’heure des actions radicales. Elle est « street medic » lors du blocage du pont de Sully, le 28 juin 2019, quand des activistes sont aspergés de spray au poivre par les forces de l’ordre. Elle participe au blocage du centre commercial Italie 2 à Paris, à des actions devant les magasins pendant le black Friday ou pour dénoncer la fast fashion. « J’avais une forte envie de lancer l’alerte, se justifie la jeune femme. Je voulais afficher mon engagement écologique en tant que médecin sans avoir à cacher la radicalité de ma pensée. »
Arrive le Covid début 2020, puis la naissance d’un enfant. Mélanie Popoff arrête de militer à Extinction Rebellion, aux actions « essentielles mais non-suffisantes ». Elle cherche alors à faire entendre sa voix autrement dans l’espace public. Avec les Dr Alicia Pillot, Eva Kozub, Denis Lemasson mais aussi Alexandre Robert, elle décide de fonder en janvier 2021 l’Alliance santé planétaire. « On se cherchait et le Covid a accéléré la prise de conscience qu’il y avait un profond lien entre santé et environnement. »
Soigner sur une planète malade
Plutôt que des actions coup de poing, la jeune femme, qui a suivi entre-temps deux DU de médecine environnementale et sur la prévention, privilégie les interventions plus posées, la participation à des débats, l’enseignement, la publication d’articles et de livres (elle finalise la rédaction de son dernier ouvrage, sur les perturbateurs endocriniens).
L’association compte maintenant près de 300 membres, essentiellement du secteur sanitaire. « Notre leitmotiv est de dire qu’on ne peut pas avoir des humains en bonne santé sur une planète malade, assène-t-elle. La santé, c’est 20 % d’hérédité, 20 % de soins et 60 % de déterminants environnementaux : les politiques publiques, le travail, l’urbanisme, l’alimentation…) »
Depuis la rentrée dernière, Mélanie Popoff est médecin scolaire à Bordeaux. Elle encadre des dépistages (vue, audition, troubles autistiques…) de jeunes enfants de plusieurs dizaines d’écoles. L’occasion de faire passer des messages de prévention, de vanter les bienfaits de la nature et de l’exercice physique plutôt que les écrans. « Le rôle du médecin devrait être de sensibiliser et de familiariser ses patients à ces déterminants de santé », explique-t-elle.
La santé en fait-elle trop ?
Elle est d’ailleurs très heureuse du module d’initiation à la santé environnementale (Mooc de 6 heures) mis en place dans toutes les 36 facultés de médecine de France par sa consœur Marine Sarfati, auquel elle participe sur le thème de la sobriété des métiers de la santé.
La sobriété, un terme qui a parfois du mal à passer dans un système de santé prêt à tout pour sauver des vies et à l’époque du « quoi qu’il en coûte ». « La technologie a permis de sauver beaucoup de gens : le développement des hôpitaux, des blocs opératoires, des thérapies anticancéreuses… Pour autant, aujourd’hui, notre société moderne souffre de maladies chroniques liées à notre mauvais mode de vie », poursuit la Dr Popoff. La sobriété passe par une réflexion autour des pratiques de moindre consommation de médicaments et d’un usage plus raisonné des outils diagnostiques, avec davantage de prévention, veut croire la trentenaire. « La santé est un levier de l’écologie et je ne me considère pas comme une militante écolo mais une militante pour la santé ! »
Dans cet objectif, tout le monde peut agir pour la santé et pas seulement les médecins, assure Mélanie Popoff. « Le maraîcher a autant de poids sur la santé des gens que le médecin », conclut-elle.
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